Avec l’arrivée précoce des grands froids, la question du logement revient au devant de l’actualité. Mais derrière les beaux discours, rien n’est fait pour améliorer la situation. Vague de froid et bons sentiments… et on revoit à la télé les visages des sans-abri. Et un peu de leur parole : « quand on appelle le 115, ça peut durer 3 ou 4 heures avant d’avoir une réponse ». Pire, si l’appel n’est pas renouvelé, la demande serait considérée comme satisfaite. « On ne veut pas aller dans leurs foyers, leurs gymnases, c’est sale, on risque d’y être agressé, volé. » Et tous n’ont pas le droit d’y aller : en cas de nombre de places insuffisant, des préfectures ordonnent d’exclure en priorité les SDF sans papiers. On a vu aussi la destruction d’une cabane dans le bois de Vincennes, « à cause des rats ». Selon Christophe Louis, président du collectif Les Morts de la rue, le manque d’intimité contribue à détourner les sans-abri des centres d’hébergement : « Quand Benoist Apparu prétend que 95 % des places sont en chambre seule ou à deux, il ment. Il reste encore énormément de dortoirs, et si les gens refusent de se mettre à l’abri, c’est en grande partie pour cette raison. » De même, le manque de logements destinés à la réinsertion constitue un frein important au suivi des sans-abri. « Tous les SDF ont envie de dormir au chaud, même en dortoir, mais à condition qu’on leur donne les moyens de s’en sortir, souligne-t-il. Les SDF veulent un ‘chez soi’, ils ne veulent plus être infantilisés. » Les associations estiment à près de 100 000 le nombre de personnes sans domicile (en 2001, une étude de l’Insee en comptait 86 000). En 2007, l’Insee indiquait qu’environ 14 600 personnes dormaient dans la rue chaque nuit. À Paris , il existe près de 3 000 places d’hébergement d’urgence dans des centres d’accueil dédiés, 5 000 places en hôtel et 2 000 places supplémentaires lors des grands froids.Pendant l’hiver 10 000 lits apparaissent puis disparaissent. En juin, le collectif des 31 associations unies pour une nouvelle politique publique du logement des personnes sans abri et mal logées (Fondation Abbé Pierre, Emmaüs, Collectif Les Morts de la rue, etc.) dénonçaient « un décalage insupportable entre les ambitions lancées début 2008 [« que d’ici deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir »] et la frilosité voire l’inertie et le repli observés aujourd’hui ». Parmi les sujets d’inquiétude, le non-respect du principe d’accueil inconditionnel ; en termes de prévention, les actions pour éviter les expulsions n’ont été mises en place que dans un tiers des départements, et encore : les moyens ne permettent pas de réaliser les ambitions affichées. Face aux fermetures de lits d’hôpitaux, rien n’a été proposé aux personnes vivant à la rue et souffrant de troubles psychiques... À Paris, plus de 500 personnes ont fait valoir leur droit dans le cadre de la loi Dalo et sont en attente d’une place à la suite d’une décision de justice rendue depuis plus de six mois.Comme tous les ans depuis… on met à l’abri quand vient le froid et « on oublie » qu’il manque 900 000 logements sociaux et que le peu qui est construit est souvent inabordable pour la majorité. Dans ma ville de Gennevilliers, 88 % des demandeurs ont des revenus inférieurs aux plafonds Plai (les plus bas), mais les constructions achevées en 2009 sont réparties en huit logements en Plai (5,5 %) pour 137 en Plus et 100 en accession à la propriété… Et les démolitions continuent, par exemple à Courbevoie : plusieurs immeubles doivent être rasés pour faire place à deux tours d’hyper-luxe pour le quartier de la Défense géré par l’Epad dont Jean Sarkozy voulait être président. Des immeubles dont on a cessé l’entretien en 2004 mais où de beaux studios par exemple étaient loués 350 euros. Et puis y a le buzz : les HLM sont occupés par des riches ! Outre le fait que l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion (Onpes) et l’Union sociale pour l’habitat (USH) démentent le chiffre de 53 000 familles avec un revenu mensuel supérieur à 11 000 euros (pour l’estimer à 4 000), c’est surtout une piètre tentative de détourner la colère de celles et ceux qui attendent un logement. Isabelle GuichardLe prochain hommage aux Morts de la Rue aura lieu le 14 décembre, Terrasse Lautréamont à la hauteur du 111 rue Rambuteau à 18h30 M° Les Halles. Y seront honorées les personnes de la rue dont nous avons appris le décès durant les six derniers mois.
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