L’accord compétitivité-emploi, signé le 11 janvier 2013 par le Medef et trois organisations syndicales, est une régression historique pour les droits des salariéEs (cf .Tout est à nous ! N° 178). C’est aussi et avant tout une victoire pour Hollande.À peine l’accord trouvé, le Président a tenu « à rendre hommage aux organisations professionnelles de salariés et d’employeurs qui ont rendu possible ce résultat. Il constitue un succès du dialogue social, qui honore l’ensemble des partenaires. ». Pour lui, cet accord a validé sa « méthode » imaginée pendant sa campagne électorale et inaugurée en juillet dernier avec la conférence sociale. Il devient ainsi le « champion du dialogue social », se démarquant de son prédécesseur Sarkozy qui avait décidé de mener la guerre aux fameux « corps intermédiaires ».
Le chantre du dialogue socialDepuis longtemps, Hollande est convaincu que le modèle français est en bout de course et que, pour parvenir à des changements en profondeur, salariéEs et patrons doivent se mettre d’accord entre eux, au-delà de la seule loi. Cahuzac n'est visiblement pas le seul à ne pas « croire » à la lutte des classes. C’est la raison pour laquelle il a mis, dès son élection, le dialogue social au coeur de sa politique : « le dialogue social, ce n’est pas une contrainte. C’est une condition pour atteindre nos objectifs », expliquait-il début juillet lors de l’ouverture de la conférence sociale. Aussi, même si l’accord du 11 janvier est loin du « compromis historique entre la CGT et le Medef » promis par l’Élysée il y a plusieurs mois, Hollande et le gouvernement Ayrault en sortent comme les grands gagnants politiques.Cela leur permet maintenant, comme le Medef le demande, de transcrire « fidèlement » et rapidement cet accord dans une loi. Car sur ce point, le message du gouvernement est clair : l'accord sur la sécurisation de l'emploi passé entre le patronat et trois syndicats sera transposé tel quel au Parlement.Et que l'on ne s'avise pas d'essayer de le modifier. Ainsi, le gouvernement a d’ores et déjà prévenu les députés PS qu'ils devront filer droit. À tel point que le texte devrait être défendu par Jean-Marc Ayrault lui-même et que les rapporteurs du texte ont déjà été désignés, plus de trois mois avant l'arrivée du projet de loi en débat… Les présidents de groupe eux-mêmes, Bruno Le Roux à l'Assemblée nationale et François Rebsamen au Sénat. Et si les oppositions se font trop entendre, certains pensent même déjà que « sur un sujet comme celui-là, le gouvernement pourrait engager sa responsabilité avec le 49-3 », ce qui permettrait au gouvernement de faire passer un projet de loi sans le soumettre au vote, l'Assemblée ne pouvant s'opposer que par une motion de censure.
Et maintenant, faire reculer le gouvernement !Cet accord qui réforme en profondeur les droits des salariéEs ne répondra en rien à la question du chômage et de la précarité. Michel Sapin, ministre du Travail, le reconnaît lui-même : « Ce n’est pas un texte qui crée directement de l’emploi, mais qui participera à une amplification des créations d’emplois quand la croissance reviendra, on l’espère à partir du deuxième semestre ». Pire, en Grèce ou dans l’État espagnol, de telles politiques ont accéléré le chômage et la précarité. Raison de plus pour refuser cette nouvelle attaque.Malgré les verrouillage en cours, les oppositions au sein de la majorité ne se sont pas fait attendre. Dans la gauche du PS, le député Jérôme Guedj et la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann ont rapidement dénoncé cet accord qu’ils considèrent comme « pas acceptable » et ayant des « clauses contraires aux engagements de la gauche ». Du côté de la gauche non gouvernementale, même son de cloche : les députés du Front de gauche ont l’intention de se battre contre cet accord qualifié de « Medef-CFDT ».Mais la bataille institutionnelle qui s'annonce – et dont on verra si elle a lieu – sera de toute façon bien insuffisante. Pour refuser un tel accord, il faudra mettre en œuvre une véritable opposition dans la rue, contre le gouvernement et le Medef.Les syndicats non signataires – CGT et FO – y sont-ils prêts ? Rien n'est moins sûr. Car, si comme le dit la CGT, « la partie n'est pas finie », il faudra faire autre chose qu'exiger d'un gouvernement – qui a déjà annoncé la couleur – « un projet de loi d'une tout autre nature »…Sandra Demarcq