Comme le rappellent les sondages, « la gauche », quelle que soit son orientation, va être historiquement faible dans cette élection. Effondrement de la gauche social-libérale toujours grillée par les années Hollande ; gauche réformiste qui montre les muscles mais reste faible dans les urnes ; gauche radicale, révolutionnaire, qui n’arrive pas à se faire entendre et à se construire largement… L’heure doit être à la reconstruction, mais de quoi ?
Dans un contexte d’offensive généralisée des réactionnaires de tout poil, les sondages qui donnent « la gauche » entre 25 et 30 % dans les urnes le 10 avril prochain reflètent un rapport de forces dégradé en défaveur de notre camp social. À qui la faute ?
Voie sans issue
On ne s’étonnera pas que les représentantEs de la gauche aux manettes il y a à peine cinq ans soient les plus carbonisés. Hidalgo, porte-voix d’un PS en voie de liquidation, n’atteindra probablement pas les 5 %, incapable de tirer le bilan des politiques antisociales mises en place durant le quinquennat Hollande (loi travail, etc.) et plombée par l’exercice actuel des pouvoirs locaux (à commencer par la mairie de Paris). Et si d’autres se refont plus ou moins des couleurs, comme le PCF qui creuse un sillon identitaire et droitier dans cette campagne, c’est bien l’ensemble des partenaires habituels du social-libéralisme, dont Yannick Jadot et EÉLV, qui sont à la peine.
Dans cette redistribution des cartes, le curseur se déplace vers une gauche que l’on qualifiera de « contrariée », voire contradictoire... En effet, si la campagne de Mélenchon reprend des marqueurs traditionnels pour plus de justice sociale, intégrant dans son logiciel une forte composante « écosocialiste », la posture bonapartiste, le souverainisme maintes fois réaffirmé ou les points aveugles et autres errances campistes sur les questions internationales, sont problématiques sur le fond. Sur la forme, Mélenchon se fait le vecteur d’une forme de radicalité contre Macron, la droite et l’extrême droite, mais il est fort probable qu’il ne fasse rien de ce mouvement au lendemain de son échec annoncé, que celui-ci ait lieu dès le 10 avril ou même le 24 avril (si le trou de souris s’agrandissait…). Pour lui, le problème n’est pas de construire une force politique pérenne ancrée dans la société. La forme lui importe peu, pouvant passer d’un cartel de partis (le Front de gauche en 2012) à un « mouvement gazeux » (La France insoumise en 2017), puis aujourd’hui à une Union populaire dont on peine à définir la fonctionnalité et la durée de vie post-électorale. Un paradoxe quand on voit l’engagement de militantEs du mouvement social, pris pourtant à contre-pied par les discours électoralistes d’un candidat pour qui le bulletin de vote pourrait remplacer les kilomètres de manifestation et les journées de grève nécessaires pour faire reculer les capitalistes...
Reconstruire un outil politique
Dès cette fin de campagne, l’enjeu est bien de poser les termes du débat « à gauche » sur l’après présidentielle. C’est ce que Philippe Poutou appelle le « plan B » (face à un Mélenchon qui n’évoque jamais les suites... hormis sa propre élection !). Comme le dit notre profession de foi, notre campagne doit affirmer « la nécessité de reconstruire une gauche de combat, une force anticapitaliste large, capable de rassembler toutes celles et tous ceux qui veulent changer radicalement ce système ».
En effet, ces dernières années ont vu le mouvement des Gilets jaunes, les mobilisations féministes, celles des personnelEs de santé, les mobilisations contre la réforme des retraites, celles contre le racisme et les violences policières, pour la justice climatique… Des mobilisations qui ont fait apparaître de nouveaux visages, dans la jeunesse, dans les quartiers populaires, et montré que de grands bouleversements sociaux sont possibles. Toutes ces luttes portent l’espoir – plus ou moins clairement affirmé – d’une société débarrassée de l’exploitation capitaliste et des oppressions, ce que nous essayons de porter dans cette campagne, mais force est de constater que le mouvement social, le mouvement ouvrier, n’a pas construit de front de mobilisations à même d’unifier ces résistances.
Dans un contexte d’effondrement de la vieille gauche gestionnaire du système, l’enjeu de l’heure est d’avancer dans le rassemblement des militantEs de ces mobilisations dans un outil politique, un parti, fédérant les combats actuels, préparant les futures luttes (comme celle qui s’annonce sur la question des retraites), et opposant aux discours dominants une alternative au capitalisme.
Dans cette perspective, notre campagne nous sert à renforcer le NPA, à lui donner un nouvel élan, tout en essayant de dépasser ses limites, en s’ouvrant largement au débat, à tenter des expériences pour essayer de franchir des sauts. Entre la politique conservatrice d’auto-construction de LO et celle d’un Mélenchon qui ne conçoit l’organisation que comme un véhicule électoral pour sa personne, la question de l’organisation des exploitéEs et des oppriméEs, de leur représentation, doit être posée en perspective de cette campagne présidentielle.
Au-delà du bulletin de vote mis dans l’urne (ou pas, d’ailleurs), nous devons nous adresser ces prochaines semaines, ces prochains mois, à tous les « orphelinEs » d’une gauche de combat, organiséEs ou non, et prendre des initiatives en ce sens. Des cadres collectifs d’échanges, de débats, voire de confrontations, conditions sine qua non pour avancer dans la construction d’une force politique anticapitaliste pour la transformation révolutionnaire de cette société. C’est nécessaire et c’est urgent !