Publié le Mercredi 29 juin 2011 à 09h36.

Au NPA, un capital militant dilapidé en deux ans (Libération du 28 juin)

Une «fracture». Peut-être la dernière. En moins d’un quinquennat, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) a réussi à gâcher tout l’«espoir» mis dans une formation qui promettait d’être «le relais du mouvement social, orphelin de débouchés politiques». Un nouveau parti d’extrême gauche, rassemblant ouvriers, jeunes des quartiers populaires, syndicalistes, libertaires, féministes, écologistes radicaux, précaires et trotskistes de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) prêts à «dépasser» leur parti. A sa fondation, en février 2009 à Saint-Denis, le NPA visait la place de deuxième force à la gauche du PS. En 2012, divisé, et affaibli par la fonte de son capital militant et le refus d’Olivier Besancenot de porter le brassard pour la présidentielle, le NPA est très mal en point.

Pourquoi cet échec ?

Finie l’ambiance kermesse du congrès fondateur. Le NPA comptait alors plus de 9 000 militants, pour la plupart nouveaux venus en politique. Le triple de la LCR. Le week-end dernier, pour leur convention nationale de Nanterre (Hauts-de-Seine) et la désignation de Philippe Poutou pour la présidentielle, c’était engueulades, tensions, votes d’amendements sans fin et interdiction d’applaudir après les interventions. Hormis les petits groupes trotskistes ou libertaires, toutes les nouvelles recrues ont déserté les débats. Seuls 3 100 adhérents ont participé au dernier vote. «Mettre tous ces gens ensemble n’était pas évident, explique Florence Johsua, chercheuse au Cevipof, Ils n’avaient pas les mêmes référents politiques, les mêmes modes d’action; avaient des situations sociales et professionnelles différentes.» «Il y avait une inégalité culturelle entre les militants issus de la LCR et des gens qui n’avaient pas la même force», complète Philippe Raynaud, professeur à l’université Panthéon-Assas. La force d’inertie du noyau LCR a éjecté ces nouveaux arrivés du NPA, partis sur la pointe des pieds ou après de gros clashs. Exemple : la candidature d’une jeune militante d’Avignon, Ilham Moussaïd, portant le foulard islamique, lors des régionales de 2010 en Paca. Résultat : une crise interne profonde dans une formation à l’identité féministe et laïque. Aucune conciliation possible. Ilham et son petit groupe de militants des quartiers quittent le NPA en novembre 2010. A la direction, on avoue n’avoir «pas su accorder suffisamment d’attention» à ces bonnes volontés. On jure que le NPA d’aujourd’hui n’est pas la LCR d’hier. Mais dans les faits, il n’y a plus aucune figure qui ne soit ex-LCR. Clémentine Autain n’est pas venue. L’altermondialiste Raoul-Marc Jennar a quitté le parti en avril 2010, jugeant le NPA «cliniquement mort». Leïla Chaïbi, militante de collectifs de précaires, comme Jeudi noir, est sortie en février pour rejoindre le Parti de gauche. Une frange de la minorité unitaire, Convergences et alternatives, doit partir au Front de gauche cette semaine. En mars 2010, en pleine campagne des régionales, dans un snack du XVIIIe arrondissement de Paris, Olivier Besancenot confiait que «si les équipes de prolos ou dans les quartiers venaient à nous quitter, là ce serait un échec». On y est.

Comment le NPA s’est fait piquer son espace par le Front de gauche ?

Mai 2008. Besancenot est invité sur le divan de Michel Drucker. Le porte-parole du NPA est présenté comme le «premier opposant» à Nicolas Sarkozy. Le PS n’a aucun leader. Les communistes se relèvent à peine de leur 1,93% de la présidentielle. Les anticapitalistes se voient trop beaux… Aux européennes, ils refusent de grimper dans l’attelage «Front de gauche» créé par le PCF et Jean-Luc Mélenchon, fraîchement sorti du PS. Mauvaise pioche : 4,9% pour le NPA contre 6,5% pour le Front de gauche. Rebelote en 2010 aux régionales. Mises à part trois régions, Besancenot et les siens ne veulent pas signer avec le PCF, qui refuse lui aussi de partager le leadership. A la prime à l’unité, portée dans les médias par Mélenchon et sur le terrain par les communistes, le Front de gauche devance le NPA et occupe l’espace politique des «anticapitalistes» à la gauche du PS. «Avec la possibilité d’alternance, explique Philippe Raynaud, le meilleur moyen de peser sur le PS et les écologistes ne sera pas de voter pour le NPA mais plutôt Mélenchon.»

Le parti peut-il survivre à 2012 ?

Le NPA est coupé en deux. Le passage de porte-parolat d’Olivier Besancenot à Myriam Martin et Christine Poupin, puis son refus en juin de se représenter pour une troisième course à l’Elysée ont fait exploser les lignes internes. D’un côté, Besancenot et la frange la plus révolutionnaire, majoritaires, écartent toute alliance avec le Front de gauche. De l’autre, l’ancienne équipe dirigeante prône le dialogue pour éviter un «isolement proclamé et programmé [qui] ne peut conduire qu’à une impasse», et anticipe 2012, en cas de victoire du PS pour constituer un «bloc» d’opposition à la gauche des socialistes. «Le NPA est resté une organisation "centriste" au sens trotskiste du terme, c’est-à-dire qui hésite entre une gauche réformiste et une vraie révolution», observe Philippe Raynaud. La division peut avoir des conséquences sur la chasse aux 500 signatures de Philippe Poutou. Et cette candidature «risque de couper le NPA de sa base naturelle faite plutôt d’étudiants déclassés, de travailleurs sociaux, de professeurs». L’aventure NPA s’achèvera-t-elle comme elle est née, sur une présidentielle ? «Ils survivront… Mais ce qui va survivre c’est le noyau dur de la LCR, prévoit Raynaud. Sauf miracle, il ne restera pas grand chose du NPA comme organisation élargie.»

Lilian Alemagna