Publié le Lundi 7 mars 2022 à 11h35.

Avec Philippe Poutou, bousculer la campagne présidentielle

Macron ne veut pas débattre avec Philippe Poutou, on le comprend : cette candidature est de celles qui percutent les équilibres politiques. Non pas que nous croyions à un score très important. Nous savons depuis plusieurs mois que les rapports de forces électoraux sont relativement figés et les élections sont essentiellement un thermomètre qui permet de les mesurer, comme réfraction des rapports de forces politiques. Mais nous pouvons affirmer une alternative au jeu politique actuel et donner envie d’aller dans cette direction.

Se positionner dans une période difficile

Cette élection est pourrie par l’atmosphère globale, que l’on a identifié il y a plusieurs mois déjà : la montée de l’extrême droite, l’éclatement de la gauche et l’absence de force, de dynamique, venue d’en bas pour constituer une alternative crédible pour le monde du travail. Et la possibilité pour Macron de se poser, en Bonaparte, en équilibre instable, en stabilisateur très temporaire dans une période de déséquilibres sociaux considérables : crise écologique et pandémie, crise économique, décuplement des inégalités, montée des fascistes, d’un côté. Mobilisations féministe, écologique, antiraciste, contre la répression, contre l’instrumentalisation répressive de la crise sanitaire d’autre part. Nous sommes dans une période charnière, à la veille de nouvelles explosions, esquissées par le mouvement des Gilets jaunes, des convois de la liberté, les mobilisations au Chili ou en Algérie ou, plus loin, la Grèce et le monde arabe.

Le prolétariat est désarmé. Ses armes lui ont été retirées par les trahisons de la gauche institutionnelle, les réformes du droit du travail, l’intégration des syndicats au dialogue social, la destruction politique de la génération 68, emportée dans la chute du Parti socialiste et du Parti communiste. D’en bas, aucune force n’a été assez puissante pour remettre en cause cette chute. Les mouvements de 1995, 2005-2006, sur les retraites ou les plus récentes mobilisations des Gilets jaunes, contre le changement climatique ou contre le racisme et les violences policières, n’ont pas produit de conscience de classe, indépendante des institutions, capable de reconstruire un projet politique alternatif au capitalisme.

Nous en sommes là, et l’éclatement et la confusion à gauche dans l’élection présidentielle est le produit de cette situation. Il n’y a pas de solution à court terme, seulement des chemins à tracer pour la suite. C’est le sens de la candidature Poutou à l’élection présidentielle.

Ouvrir des portes

Nous identifions le pouvoir de Macron et du Medef comme les ennemis immédiats du monde du travail, loin de Mélenchon qui se félicite que le patronat le dise « prêt à gouverner ». Nous encourageons les mobilisations sociales contre ce pouvoir, leur convergence, la transformation des revendications sectorielles en revendications unitaires et politiques, pour dégager ceux qui nous dirigent, pour imposer un pouvoir d’en bas. C’est cette opposition entre les classes populaires et la bourgeoisie que Macron ne veut pas voir concrétisée par un débat avec Philippe Poutou.

Nous attaquons l’extrême droite, nous alertons les organisations démocratiques et le monde du travail sur le danger fasciste qui se construit sous nos yeux. Là où Le Pen a construit un parti d’extrême droite à direction fasciste, Zemmour et les transfuges qui se multiplient depuis le RN ou Les Républicains ont un projet militant différent : celui d’un parti classiquement fasciste, organisant des secteurs de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie déclassées, sur une base militante, violente, contre les LGBTI, contre les femmes, les personnes handicapées, contre les personnes d’origine étrangère, contre les militantEs du mouvement social.

Nous essayons aussi, avec nos faibles moyens, de regrouper celles et ceux qui croient en la possibilité d’une contre-offensive unitaire du monde du travail, de ses organisations. Et celles et ceux qui se projettent dans le combat contre le capitalisme, pour une société émancipée de la domination de classe et de toutes les oppressions.

Notre combat n’est pas complètement isolé : nous savons que dans ce qui reste des organisations de gauche, de nombreux militantEs regardent dans notre direction. Souvent, leurs réticences à s’organiser avec nous vient d’une peur que nous ne soyons pas la réponse à l’urgence de la situation. Elles et ils ont raison, et nous ne le prétendons pas : nous sommes un élément de la réponse, un outil militant qui met à disposition son capital politique, ses moyens miltants, ses réseaux, pour construire une alternative indépendante des institutions. Mais, surtout, nous remarquons que, pour la première fois depuis des années, les luttes s’invitent dans cette campagne, avec les mobilisations du 12 janvier dans l’éducation contre la gestion de la pandémie par le pouvoir, du 27 janvier pour l’emploi et les salaires, du 17 mars pour les salaires, en lien avec de nombreuses mobilisations locales.

Notre campagne veut donner du poids à ces mobilisations, proposer une convergence qui pousse à combattre politiquement le pouvoir, montrer que le monde du travail a encore des ressources et que cela peut et doit le conduire à l’organisation politique.