Publié le Mercredi 20 avril 2011 à 13h16.

-> Contribution de Paul Ariès (directeur du Sarkophage, journal des gauches antiproductivistes)

Faire de 2012 un moment d’une double révolution : celle de l’objection de croissance, celle du «bien vivre»

L’Objection de croissance ira divisé aux élections de 2012. J’aurai souhaite une campagne de la décroissance fortement ancrée à gauche et faisant sienne les mots d’ordre de défense de la gratuité du bon usage face au renchérissement du mésusage (avec sa traduction politique autour de la revendication du revenu garanti), une campagne de la décroissance fondée non pas sur l’idée d’une chimérique «panne sèche» du système et pire encore sur la thèse qu’i l suffirait que chacun consomme moins (variante du malthusianisme économique qui met la décroissance au service de la droite et du Medef) mais sur la conviction qu’il est possible de construire un autre monde. J’aurai aimé que la décroissance soit capable de faire ce choix de l’anticapitalisme et d’un éco-socialisme conséquent, car je redoute que les pas (de géants ou de mains, chacun appréciera) accomplis, depuis quelques années, par une fraction des gauches vers l’antiproductivsime ne soient encore hésitants. L’anticapitalisme n’est pas encore totalement guéri du productivisme (la question se pose depuis deux siècles et il ne suffit pas d’opposer un bon Marx à un méchant Lassalle ni même un bon Marx à un mauvais Marx). L’anticapitalisme peut à tout moment retomber dans les mêmes chimères. Nous avons en même temps que le seul système économique non croissanciste par nature peut être le socialisme (un éco-socialisme conséquent) car le capitalisme, lui, est intrinséquement productiviste. Nous savons aussi (le NPA autant que moi) que le seul chemin qui peut conduite au-delà de l’économisme de droite et de gauche est la subversion de la Valeur d’échange par la valeur d’usage. Le NPA fait donc partie des forces politiques (comme une fraction du Front de gauche) secouées par ces débats qu’ont su remettre au goût du jour les milieux de la décroissance, de l’anticonsumérsime mais aussi les mouvements amerindiens, grecs ou une partie du mouvement en Guadeloupe. Même une partie de la social-démocratie récupère aujourd’hui certains thèmes en les vidant de leur substance (question du revenu garanti, question de la relocalisation, du «care». du ralentissement). Le NPA peut avoir la co-responsabilité de traduire cette mouvance en parole et en actes politiques. C’est pourquoi j’avais proposé au moment du choix de rejoindre le NPA lors de sa fondation qu’il se mue en NP2A (Nouveau parti anticapitaliste et antiproductiviste,) tout comme j’avais proposé, sans plus de succès, au Parti de gauche de se métamorphoser en Parti de gauche écologique.

Cette mutation est toujours possible et 2012 peut en donner l’occasion. Le NPA peut choisir de répéter les excellentes campagnes de Besancenot. Il ait le faire et il n’est jamais inutile de dire ses 4 vérités au capitalisme mais on sait d’avance ce qu’il sortira politiquement de cette répétition. Le NPA peut aussi faire le choix du risque, celui du débordement du son propre héritage, celui de l’ouverture à des thèmes de campagne et à des formes de campagne inédits. On sait qu’une élection se joue sur quelques mots d’ordre, sur quelques symboles forts, sur un style politique. Ce que je propose donc au NPA c’est qu’il accomplisse une double révolution en une campagne. Celle de l’antiproduictivisme (de l’objection de croissance) mais aussi celle du «bien vivre» (buen vivir). Je sais que je demande beaucoup au NPA mais je sais aussi qu’il fait partie des rares forces politiques capables de conduire cette véritable révolution interne aux différents courants du socialisme. J’entends bien la position du NPA par rapport au parti socialiste et donc aux alliances possibles mais je dirai que si Le NPA a raison par rapport au social-libéralisme, il s’arrête cependant encore en chemin. J’oserai dire qu’il a accompli la partie la plus facile… compte tenu de sa propre histoire. L’autre partie du chemin consisterait à dépasser l’enfermement dans le seul discours anticapitaliste pour s’ouvrir à un antiproductivisme conséquent que la notion d’éco-socialisme n’épuise pas. Je crois surtout que ce double ancrage dans l’objection de croissance et le «bien vivre» permettrait enfin et surtout de basculer vers un discours et des pratiques tout aussi radicales, mais qui camperaient sur l’autre face de la critique, celle de la construction d’un autre monde. On ne pourra vaincre le capitalisme et le productivisme qu’à partir de lieux qui ne soient ni l’un ni l’autre. 2012 peut être un moment de ce basculement vers ce que je nomme une gauche dissidente, une gauche qui pratique autant (sinon plus) l’insurrection des existences que celle des consciences, une gauche qui sache que résister c’est créer, une gauche qui accepte de faire sécession, car si on ne pourra peut être pas changer ce monde, rien ne nous interdit de commencer à en construire un autre. Je suis convaincu qu’une nouveau langage de l’émancipation se cherche aujourd’hui à l’échelle planétaire: le sumak kawsay des peuples indigènes amerindiens, le «buen vivir» équatorien et bolivien, Eudémonia ( la vie bonne) de nos amis grecs, les «nouveaux jours heureux» des citoyens-résistants. Ces deux révolutions en une élection serait aussi la meilleure réponse à tous ceux qui refusent de suivre le NPA dans ce qu’ils considèrent être le choix de l’isolement face à une alliance avec le FG. J’invite déjà tous les adhérents du NPA à réagir au contenu programmatique développé dans le «Hors série» n° 2 du Sarkophage (Viv®e la gratuité) qui sera en kiosque d’ici fin avril 2011. Nous y développons le cheminement vers une société décroissante par le choix politique de la gratuité. J’avais proposé, en 2006, à José Bové d’être ce candidat de l’antiproductivisme, celui du revenu garanti inconditionnel (cela ne suffit pas à faire un projet mais cela en défait déjà beaucoup), Je propose aujourd’hui au NPA (comme au Front de gauche) de ne pas répéter l’erreur de José Bové qui fut de croire qu’il suffisait encore d’être seulement un candidat antilibéral (anticapitaliste). Les objecteurs de croissance ont besoin aujourd’hui de cette double révolution de la gauche face à la montée en puissance des thèmes de droite y compris au sein de certains courants de la décroissance.

Paul Ariès est le directeur du Sarkophage, journal des gauches antiproductivistes

Auteur de «la simplicité volontaire contre le mythe de l’abondance»(La découverte