Entretien. Mathieu Rigouste, sociologue et essayiste, accusé de « violences » et « outrage » par des policiers, vient d’être relaxé le 7 février.
Tu viens de subir un procès : que te reprochait-on exactement et dans quelles circonstances ?
Des policiers m’ont tabassé et menotté en 2013 au commissariat de Toulouse et m’ont mis la tête contre les murs avec menottage (voir l’Anticapitaliste n° 644, 12/01/2023). Pour se couvrir, ils m’ont collé outrage, violence et rébellion. J’ai passé trois jours à l’hôpital, on m’a opéré le poignet (fracture et luxation). On y a posé une vis que je garderai toute ma vie et qui me handicape. On a soigné les multiples ecchymoses et plaies sur toute la tête et les côtes. Les super-Dupont m’avaient aussi percé le tympan, comme l’a relevé le médecin légiste qui m’a ausculté à la sortie de l’hôpital. On m’a reconnu soixante jours d’ITT à l’hôpital, transformés en trois jours « au sens pénal du terme » par la médecine « légale ».
Pourquoi cela a mis autant de temps avant d’être jugé ?
Il y a deux affaires puisqu’il y a aussi ma plainte contre eux. Apparemment persuadés qu’ils seront couverts par la Justice, deux d’entre eux ont donc aussi porté plainte contre moi. Ce n’est pas une faveur particulière, mais une habitude encore une fois. Pour se couvrir lorsqu’ils ont défoncé quelqu’un, ils portent plainte et peuvent même récupérer des indemnités auprès de la personne sur laquelle ils ont pu se défouler la matraque. Dans mon cas, l’un de ces héros du roman national a déclaré que j’avais fait mal au dos à son collègue pendant qu’ils m’écrasaient à trois sur le béton. Pourtant le collègue déclare s’être fait un lumbago tout seul en me menottant. La justice n’est pas pressée. Sur ma plainte il y a un non-lieu. On a demandé un renvoi à chaque fois. Douze renvois en tout jusqu’à ce qu’ils rendent un non-lieu de ma plainte en septembre. On voulait que ma plainte montre que la leur cherchait à cacher leur violence.
Qu’est-ce qui était demandé par la partie civile ?
Je risquais 3 ans fermes et 40 000 euros d’amende, plus un préjudice moral. Pendant le procès, on s’est appliqués à montrer les contradictions et les mensonges des flics. Finalement, la procureure réclame 300 euros pour les outrages avec inscription au B2. Et finalement, c’est la relaxe !
Propos recueillis par Olivier Sillam