En cette « rentrée » sociale et politique, le pouvoir est en pleine interrogation. Sous bien des aspects, il semble fragilisé, porté par une base sociale de plus en plus faible... Mais assurément, il veut continuer à frapper fort...
Le Jupiter-colosse aux pieds d’argile ?
Dès le mois de juillet, le discours de Macron sur le « nouveau monde » en a pris un sacré coup. Avec l’affaire Benalla, le jeune personnel du pouvoir et de ses arcanes a de bien vieilles mœurs qui ne sont pas sans rappeler les barbouzeries des hommes de main divers et variés qu’ont toujours utilisés ceux d’en haut. Une éclatante démonstration qu’ultra-libéralisme et autoritarisme marchent main dans la main...
C’est aussi la saison des failles économiques. Les caisses des riches continuent à se remplir de façon indécente, mais la croissance connaît « un gros coup de frein » (dixit les Échos qui s’y connaissent en matière de bonne politique pour les capitalistes...) : les prévisions tablent sur à peine 1,4 %, alors que les grands argentiers du gouvernement assuraient que l’on se situerait au-dessus des 2 %.
Logiquement, les contradictions profondes de Jupiter-président n’ont pas manqué de faire naître des désillusions. Ainsi la démission de Hulot est d’abord un premier aveu : la politique de Macron est incompatible ne serait-ce qu’avec un léger saupoudrage verdâtre... Avec ce mini-remaniement (et le départ surprise d’une autre « personnalité d’ouverture » ), l’état-major n’est donc pas complètement en ordre de bataille.
Enfin, tout cela affecte les « réformes » de combat pour lesquelles ce gouvernement a été élu. Ainsi, le cafouillage autour du prélèvement à la source n’est pas tant l’illustration de problèmes techniques que de difficultés politiques à imposer une réforme qui n’est populaire ni auprès des patrons, ni auprès de l’administration fiscale, ni auprès des contribuables qui vont voir leur feuille de paye drastiquement réduite.
Mais ça continue encore et encore...
L’agenda de choc du gouvernement va continuer à s’appliquer ces prochains mois. Parmi la foultitude d’offensives réactionnaires, trois illustrations.
D’abord la sortie récente du rapport CAP 22 qui, après des années de saignées dans la fonction publique, annonce une offensive sans précédent sur les services publics et celles et ceux qui les font fonctionner. Au-delà de la suppression des emplois aidés (déjà plus de 260 000), 30 milliards d’économie sont préconisés dans ce rapport destiné à préparer les esprits à une remise en cause fondamentale du service public. Refonte administrative, ouverture au privé, généralisation des contractuelLEs, etc. Tous les secteurs vont être touchés.
Revient aussi la question des retraites, la mère des batailles de tous les gouvernements libéraux, de gauche comme de droite. Attaque contre le régime de répartition, développement de la retraite à points, introduction de la capitalisation… avec comme conséquence des pensions de retraites de plus en plus réduites... ou des départs à la retraite toujours plus tardifs. À l’opposé du discours sur l’égalité de traitement, ce sont bien les inégalités qui vont exploser pour l’ensemble du monde du travail.
Enfin, l’odieuse politique de Macron sur la question des migrantEs. Certes, la concurrence est rude au vu des dégueulasseries défendues par le gouvernement italien ou par le Premier ministre hongrois. Mais Macron, qui veut aujourd’hui se poser en opposant à ces tristes ultra-réacs, n’a en réalité rien à proposer. Si ce n’est la récente loi asile-immigration qui a drastiquement durci les conditions d’accueil, ou son mutisme mi-août sur le sort de l’Aquarius, suivi d’une sortie du silence... pour que Malte accueille les 141 migrantEs qui étaient à son bord ! Pourtant le rapport du HCR publié lundi est là pour nous rappeler qu’ aujourd’hui, « une personne sur 18 tentant la traversée par la Méditerranée centrale meurt ou disparaît en mer, tandis que c’était une personne sur 42 au cours de la même période de 2017 ». La politique de l’État français reste bien criminelle.
Unitaire, radical, anticapitaliste
Après le mouvement du printemps dernier, il reste à construire une opposition sociale et politique afin d’infliger une défaite à Macron.
Les directions syndicales ne sont pas en ordre de bataille, loin s’en faut, mais une première date existe, le mardi 9 octobre, à l’appel de la CGT, FO, Solidaires, des organisations de retraitéEs, d’étudiantEs et de lycéenEs... Il faudra aller plus loin qu’une seule journée de grève, mais ce premier test de l’après-printemps est une marche à ne pas rater.
De plus, si la mobilisation des secteurs public et privé reste dispersée, si celle-ci reste aujourd’hui trop faible pour créer un rapport de forces plus favorable à notre camp, des points d’appuis existent : ainsi les cheminotEs, battus mais pas défaits, en grève le 18 septembre ; ainsi la nouvelle journée de manifestation des Ford à Bordeaux le samedi 22 septembre (pour ne citer que ceux-là).
Enfin, la construction d’une opposition digne de ce nom à Macron signifie aussi de nécessaires clarifications politiques. Comment défendre l’accueil des migrantEs si, comme le dit la direction de La France insoumise, c’est pour l’accompagner d’une grande confusion idéologique qui conduit à refuser ici l’ouverture des frontières... et à soutenir ailleurs Sahra Wagenknecht (coprésidente du groupe parlementaire de Die Linke au Bundestag) et son nouveau mouvement « Aufstehen », auteure de déclarations tout à fait réactionnaires sur les migrantEs ? Comment « défendre l’emploi » si l’on se refuse, comme l’ensemble de la gauche, à prendre des mesures radicales pour récupérer l’argent des aides publiques et à interdire aux actionnaires et aux grandes compagnies les fermetures d’usines, les prétendus « plans de sauvegarde de l’emploi », les licenciements ?
Après des semaines difficiles pour Macron et ses sbires, la clé de la situation reste bien la construction d’une unité d’action ferme contre ce gouvernement. TouTEs ensemble, le slogan du printemps dernier « Même Macron, même combat ! » doit continuer à résonner en cette rentrée.
Manu Bichindaritz