Ne pas faire peur, rassurer l’électorat, tenter d’avoir une « posture présidentielle » : voilà la tâche que s’est assigné Marine Le Pen pour son meeting de rentrée à Brachay, samedi dernier.
Ce village de la Haute-Marne, peuplé de 55 habitantEs, a déjà été choisi à plusieurs reprises pour des meetings de haute importance symbolique pour le FN. La raison principale réside dans le comportement électoral de cette commune qui , au premier tour de l’élection présidentielle de 2012, a voté en faveur de Marine Le Pen à 72 %... Mais il n’y a pas que ça.
Dans la Lettre du Front, publication hebdomadaire envoyée aux sympathisantEs du FN, Nicolas Bay tente aussi de donner une justification plus large : « Brachay, petite commune de Haute-Marne, petite capitale de la France des oubliés. À Brachay, là où comme dans tant de territoires on ressent la double agression que représentent la globalisation sans frein et l’abandon d’un État qui ne remplit plus son rôle protecteur. Une France des oubliés à laquelle Marine Le Pen n’offre pas seulement une oreille attentive, mais une voix qui porte. La France des oubliés, c’est d’abord la France de nos campagnes, de nos villages et de nos territoires. » Et de continuer dans la même veine extrêmement démagogique : « Dans les couloirs dorés de l’Élysée, dans les allées froides de la Commission européenne, tout le monde a abandonné Brachay. Pire, tout le monde s’en moque. Pas nous ! La France des oubliés gronde. Elle aspire à retrouver sa liberté, son identité et sa souveraineté. »
Dans son discours, devant plusieurs centaines de sympathisantEs, Marine Le Pen a attaqué une nouvelle fois l’Union européenne, continuant de surfer sur la vague du vote britannique sur le « Brexit ». Elle a ainsi annoncé qu’en cas de victoire électorale du FN en 2017, elle organiserait un référendum sur une sortie de l’UE : « Ce référendum sur l’appartenance à l’Union européenne, je le ferai en France, car vous avez le droit à la parole. (...) Français, nous pouvons redevenir un peuple libre, fier, indépendant, nous pouvons rendre à la France sa vraie place dans le monde. »
L’« apaisement par l’autorité »
Tentant de se présenter comme une femme politique prétendument située au-dessus de la mêlée, après plusieurs mois de relative abstinence médiatique, Marine Le Pen a évité les attaques contre d’autres forces politiques, attaques qui risqueraient de la faire apparaître trop sectaire. Adoptant le slogan de l’« apaisement par l’autorité », sa recette pour gouverner, elle a surtout ciblé ses attaques contre un adversaire, ou plutôt un concurrent politique, un rival, le seul cité nommément dans son discours : Nicolas Sarkozy. Cela n’est pas spécialement étonnant si on se rappelle l’entrée en campagne de Sarkozy, fin août dernier, en vue de la primaire de la droite. Alors que le Figaro titrait : « Nicolas Sarkozy, candidat sous le signe de l’identité française », le président démissionnaire de LR revendiquait entre autres la fin du regroupement familial et « la réduction drastique du nombre d’étrangers » en France. Il était alors visible pour tout le monde que Sarkozy marchait sur les plates-bandes du FN.
Marine Le Pen réplique : « Nicolas Sarkozy, qui se voudrait le champion médiatique de la lutte contre l’islamisme radical, est allé rencontrer le chantre du wahhabisme », faisant allusion à un rendez-vous avec le roi d’Arabie saoudite qui aurait eu lieu cet l’été. Sa charge contre un personnel politique inféodé selon elle « aux Saoudiens et aux Qatariens » a servi de prétexte à Marine Le Pen pour une nouvelle envolée de haute démagogie : « Je suis libre par rapport à l’argent du Qatar et des banques. Libre par rapport à l’Union européenne et à l’Allemagne qui la domine. »
Actuellement créditée de 26 à 30 % des voix, Marine Le Pen est une ennemie dangereuse pour les forces de gauche, pour la campagne électorale à venir et au-delà.
Bertold du Ryon