Publié le Jeudi 3 avril 2014 à 20h56.

Front de gauche : la crise rebondit

Ces élections municipales ont marqué une nouvelle étape dans la crise qui mine le Front de gauche depuis plusieurs mois. Sur fond de reculs électoraux et de perte de villes, la question du rapport au PS travaille plus que jamais une coalition avant tout électorale.

Une fois de plus, Mélenchon a tempêté, en particulier au lendemain du premier tour, contre les médias et les commentateurs politiques. En jeu, les résultats électoraux du Front de gauche, présenté par le PG et le PCF comme une véritable percée, supérieur même à ceux du Front national. Vraiment ?

Le verre à moitié videDans cette curieuse polémique, le journal le Monde s’est invité et apporte quelques éclaircissements au lendemain du premier tour. Comptabilisant 618 listes dans des villes de plus de 1 000 habitants, que ce soit sous l’appellation PCF, PG ou globalement Front de gauche, ces listes ont réalisé 10,71 %. Une moyenne pas si mauvaise, mais qui cache des disparités importantes selon le profil des listes. Ainsi, alors que les listes du Front de gauche ont obtenu 9,32 % des suffrages, et celle du Parti de gauche 6,04 %, le PCF obtient en moyenne 24,97 % des suffrages dans les 160 villes de plus de 1 000 habitants où il se présentait. La preuve que les bastions électoraux du PCF sont encore la grande force électorale du Front de gauche.Mais elles sont aussi sa faiblesse. Le Front de gauche, la quasi-totalité par le PCF, dirigeait 28 villes de plus de 30 000 habitants... et seulement 21 à l’issue de ces élections. L’Humanité peut fanfaronner et mettre en avant ses prises de guerre, Aubervilliers, Montreuil ou Thiers. Tout cela n’efface pas les nombreuses pertes un peu partout en France. Le PCF perd 30 % de ses mairies de plus de 3 500 habitants et, de ce point de vue, un département emblématique du « communisme municipal », la Seine-Saint-Denis, apparaît comme une zone sinistrée (perte de la préfecture Bobigny, Le Blanc-Mesnil – la ville de Buffet –, Saint-Ouen...). Roger Martelli, historien du PCF, parle même de « l’autre Bérézina » de ces élections...

Combien de divisions ?Au niveau politique, la bombe à retardement que constituait la participation dès le premier tour du PCF aux listes d’union de la gauche, en particulier à Paris (première ville du pays) et Toulouse (quatrième), n’a pas manqué d’exploser. Après des campagnes tendues où les militantEs du Front de gauche étaient sur des listes concurrentes, la recherche de fusions techniques à l’initiative des listes du « Front de gauche maintenu » au soir du premier tour s’est heurté à un refus catégorique des dirigeants socialistes. Cerise sur le gâteau, le PCF en a visiblement rajouté dans la surenchère, certainement soucieux de laisser le moins de place possible à leurs partenaires venus du Front de gauche. Des places si chèrement acquises...En tout cas, deux éléments de bilan sont à tirer de ce « petit meurtre entre amis »... Le rapport au Parti socialiste, les accords passés avec lui ouvrant la voie à une gestion commune dans les exécutifs, restent bien des questions centrales. De plus, dans l’entre-deux-tours, le Front de gauche a pu faire l’expérience (en le refusant comme à Paris, ou en l’acceptant dans bien d’autres villes) que pour le Parti socialiste, il n’y a pas de fusion technique sans fusion politique, pas de liste commune au second tour sans engagement à participer à une future majorité et à voter le budget, donc pas de fusion possible pour le second tour sans renier ce que l’on a défendu au premier.

Vert sur Rouge, rien ne bouge...Et maintenant ? Les plaies sont encore à vif au sein du Front de gauche. La stratégie (les stratégies ?) est clairement en panne, et certains cherchent des solutions, voire de nouveaux partenaires. Confirmant une tendance de fond depuis maintenant plusieurs mois, le Parti de gauche drague lourdement EÉLV qui n’en demandait pas tant... S’appuyant sur la victoire à Grenoble de la liste portée par EÉLV (beaucoup) et le PG (un peu), Éric Coquerel écrit ce dimanche 30 mars : « Ce succès (…) est historique : il démontre qu’ensemble nous pouvons réellement être majoritaire à gauche. (…) Nous pouvons bâtir une majorité alternative dans l’année à venir et les échéances politiques que sont les européennes puis cantonales et régionales. Le Front de gauche doit en être le levier et Europe écologie les Verts, s’il accroît sa contestation de la politique gouvernementale, son premier allié. »Construire l’opposition de gauche avec un parti de la gauche gouvernementale, même sur le départ ? Entre raccourci électoral, stratégie institutionnelle et contestation sociale et politique, il va bien falloir choisir.

Manu Bichindaritz