Publié le Vendredi 16 mai 2014 à 17h00.

Front national et Européennes : le parti du rejet

Zéro pointé en histoire-géographie, recalé ! C’est la première réaction qu’impose le matériel de campagne du FN pour les élections européennes...

Dans un tract distribué dans les huit méga-circonscriptions du scrutin européen, mais qui figure aussi sur le site internet d’Aymeric Chauprade, leur tête de liste en Île-de-France, supposé « spécialiste de géopolitique », le public est mis en garde contre une adhésion de la Turquie à l’Union européenne, l’un des principaux thèmes de campagne du FN, sauf que le sujet est illustré par un drapeau… tunisien, au lieu de celui de la Turquie. On ne peut pas tout savoir, lorsqu’on est « spécialiste de géopolitique », et que l’on consacre principalement son temps à la justification de la politique de Poutine. Ainsi, Chauprade a observé en direct le « référendum » en Crimée du 16 mars dernier, auquel ni journaliste ni observateur indépendant n’avaient accès... Il est aussi « spécialiste » de la diffusion de théories du complot. Officier supérieur de réserve de la marine (sans jeu de mot...), Chauprade avait dispensé à partir de 2002 des « cours de géopolitique » au Collège interarmées de défense (CID). Or, cette charge d’enseignement auprès des militaires lui a été retirée en 2009, parce qu’il avait, entre autres, trop appuyé des théories du complot à propos des attentats du 11 septembre.

« Minorité de blocage » ?Si les sondages sont confirmés par les urnes, le parti d’extrême droite français pourrait devenir le premier parti politique du pays. Sa force se nourrit bien évidemment de la faiblesse des autres, ou plutôt du rejet des autres partis qui se sont succédé au gouvernement, mais aussi des politiques mises en œuvre au niveau de l’Union européenne. Lors de son discours du 1er mai à Paris (devant environ 5 000 à 6 000 personnes), Marine Le Pen avait appelé à transformer le scrutin en expression d’un « rejet de la construction européenne », mais aussi de Hollande, pour forcer ce dernier à une dissolution de l’Assemblée nationale. Dramatisant les enjeux à travers une formule pathétique, rappelant le rejet du Traité constitutionnel (TCE) au référendum du 29 mai 2005, Marine Le Pen s’est exclamée : « L’esclave dit Oui ! L’homme libre dit Non ! » Dans son matériel de campagne, le FN fustige entre autres la non-­réalisation de la promesse du PS d’une « Europe sociale ». Il vitupère ainsi « l’austérité pour tous afin de sauver l’euro et les banques ». Aucune proposition visant à peser pour d’autres politiques, d’autres choix au niveau européen n’émane du FN. Le parti se présente clairement dans l’unique but de « bloquer l’avancée de la construction européenne », dixit Marine Le Pen : « On va exactement à l’endroit où nous devons être, pour représenter cette minorité de blocage qui va éviter plus d’austérité, plus de perte de substance pour la France. » Ainsi, le FN ne tente pas d’apparaître comme « constructif ». C’est ce qu’essayent d’utiliser contre lui les principaux partis de la bourgeoisie, l’UMP et le PS, tirant leur argument de l’absence fréquente des eurodéputés du FN. Marine Le Pen et son père auraient ainsi un taux de présence respectif de 66 % et de 67 % lors des séances du Parlement européen, contre une moyenne de 83 % pour les eurodéputés françaisEs (84 % pour l’ensemble des députéEs). Il n’est pas sûr, cependant, que l’argument interpelle tellement les classes populaires... Soulignons, enfin, que Marine Le Pen rencontre des résistances croissantes lors de sa tournée électorale. Ces dix derniers jours, elle a ainsi été chahutée sur le marché de Sotteville-lès-Rouen (cf. l’Anticapitaliste n°241), puis au Mémorial de Caen.

Bertold du Ryon