Symbole de sa refondation, le Front national devrait devenir le Rassemblement national. Le terme qualifiait déjà le groupe parlementaire de 1986, une coalition de députés fraîchement entrés au FN. La flamme tricolore, déjà relookée, sera conservée. Ces petites pirouettes satisfont les nouveaux adhérents et rassurent les anciens. Côté programme, c’est défense de la valeur-travail, défense de la famille, défense de l’identité française, avec un objectif clair : le pouvoir.
Si Louis Aliot, élu n°1 au nouveau Conseil national, trouve que « c’est le moment ou jamais de tout changer », le congrès de Lille ne bouscule pas les fondamentaux. Il s’est ouvert dans un contexte de campagne contre la supposée « préférence étrangère » de la loi « asile et immigration », où le FN revendique la suppression du droit du sol. La salle s’est levée au cri de « On est chez nous », quand Marine Le Pen (MLP) a affirmé : « l’immigration, légale et illégale, n’est plus tenable ». Le ton est donné.
« Mondialistes » contre « nationaux »
Ni PMA ni GPA, et le mariage doit rester réservé aux hétérosexuels. Le FN veut préserver le « modèle familial traditionnel ». Le maintien des 35 heures et le refus de la loi travail ne suffisent pas à gauchir son discours ; d’autant que c’est pour proposer un « travailler plus pour gagner plus » avec la défiscalisation des heures supplémentaires, accepter la suppression de l’ISF et faire partager « l’esprit d’entreprise ».
MLP le martèle : le clivage gauche-droite est devenu obsolète et laisse la place à un clivage mondialistes-nationaux. Macron, c’est le mondialisme, le FN est donc sa seule opposition. CQFD. Ragaillardi par la victoire de la Ligue (du Nord) et galvanisé par la venue de Steve Bannon, le FN se voit déjà au pouvoir... à condition d’acquérir une « culture d’alliance ». Mais avec qui ?
Dans la séquence électorale à venir, c’est surtout sur les municipales que table le FN pour construire des alliances et travailler à son implantation. Le FN cherche à s’appuyer sur ses expériences de gestion municipale. Il faut lire les deux tomes de Lumière sur mairies brunes, édités par VISA (Vigilance et initiatives syndicales antifascistes), pour avoir un aperçu de la « culture du compromis » des maires FN !
Gare à la brûlure
Avec son rassemblement national, le FN perpétue sa tradition de double discours. Il s’adressera à ceux « qui ne veulent pas que la nation disparaisse », qu’ils craignent « la perte de l’identité » ou qu’ils redoutent « la disparition des solidarités nationales ». « Des gens dégoûtés par le PS et le PC, j’en ai plein ma permanence » : c’est à eux que parlera la députée du Pas-de-Calais. Elle laissera à d’autres le soin de courtiser la droite.
Avec 90 % des adhérents ayant rejoint le parti après 2011, MLP n’a plus de contradiction interne. Elle peut donc proposer un fonctionnement « moins vertical ». En réalité, la démocratie du FN est à l’image de ses « congrès ». Ces meetings interminables, sans débats, ne servent qu’à mettre en scène les orientations décidées par la chef et ses conseillers. L’ancien Comité central, le « parlement du FN », désormais Conseil national, ne s’est réuni qu’une seule fois en trois ans : bel exemple de démocratie pour un « parti de gouvernement » !
Et maintenant ? Face au FN, le mouvement ouvrier, le mouvement social sont atones et le regardent avancer. À Lille, la mobilisation nationale a échoué malgré une activité locale importante : un classique cortège n’a rassemblé qu’un millier de contre-manifestantEs. Il est temps de prendre la mesure de ce que sera le Rassemblement national dans la période actuelle, de caractériser les dangers qu’il représente et de repenser les mobilisations unitaires. Sinon, nous attendrons les prochains chiffres électoraux, puis les suivants... gare à la brûlure.
Commission nationale antifasciste