Publié le Samedi 27 septembre 2014 à 08h00.

Front National : les mairies s’enlisent

Se servir des mairies « conquises » en mars comme autant de vitrines, pour démontrer la « capacité à gouverner » du parti et préparer 2017 : tel était le projet du FN... Loupé !

Marine Le Pen avait promis une politique municipale plutôt « soft », et juré au mois de mars dernier que le FN n’utiliserait pas ses futures municipalités comme autant de « laboratoires » pour imposer une idéologie ? Souvent raté, ou alors promesse abandonnée ! Les maires du parti d’extrême droite devaient apparaître comme moins autoritaires, moins enclins au népotisme, moins sectaires que ceux des années 1990 à Toulon, Vitrolles…  Pari souvent perdu.

Ainsi, si Robert Ménard, maire de Béziers et personnellement non encarté au FN, entend montrer son autonomie vis-à-vis du parti, il le fait souvent en s’appuyant sur encore plus radical que le FN… ayant recruté des dirigeants « identitaires » dans les rangs du personnel de la mairie. Et surtout, ses tentatives de régenter les consciences de façon autoritaire et dirigiste sont par trop visibles. De son rêve de faire porter la blouse grise – à l’ancienne – aux élèves de « sa » ville, jusqu’à sa dernière trouvaille : un arrêté spécial interdisant de cracher par terre, créant une amende municipale spéciale à cet effet… Il s’agit là, dixit Ménard, d’« éduquer les gens », en réactivant un décret qui avait été adopté… le 22 mars 1942 sous Vichy.

Dictature municipale...Les turbulences se concentrent surtout à Hayange (en Lorraine). L’autoritarisme du jeune maire, Fabien Engelmann, a fait fuir jusqu’aux plus proches. Son ancienne première adjointe, Marie Da Silva, a publiquement dénoncé sa façon très personnelle de diriger. Elle en a profité pour révéler, au passage, que les comptes de campagne des dernières municipales avaient été truqués. Le 3 septembre, une majorité des conseillers FN lui ont retiré ses fonctions de numéro deux de la mairie, mais le vote semble entouré d’irrégularités et de fraudes. Depuis, le 19 septembre, deux autres adjoints au maire, Patrick Hainy et Emmanuelle Springmann, ont été à leur tour virés de leur poste pour avoir émis des doutes sur le procédé...Proche d’une secte anti-musulmane dénommée « Riposte laïque », ce même Engelmann a imprimé une marque extrêmement idéologique à sa politique locale. Ainsi, dimanche 7 septembre, il a organisé une « Fête au cochon » sur une place publique centrale de la commune. Lui-même végétarien, Engelmann a ainsi chanté les louanges du cochon, « notre cousin », mais aussi de sa viande... L’arrière-pensée est transparente : ni musulmans ni juifs ne consommant de la viande porcine, celle-ci est utilisée comme marqueur d’« identité » par certains courants d’extrême droite, souvent les plus durs.

Par ailleurs, Engelmann avait auparavant fait repeindre un train de mineurs, exposé dans cette ville d’industrie lourde, en bleu-blanc-rouge. Il s’agissait de « franciser » symboliquement la classe ouvrière, de l’« intégrer dans la nation » dans un sens que Joseph Goebbels n’aurait pas renié. Depuis, des esprits critiques ont planté des drapeaux tout autour du monument, représentant les pays d’où les mineurs de la région étaient souvent réellement originaires : Ukraine, Maroc, Algérie, Tunisie…Même dans l’esprit de nombreux dirigeants FN, Engelmann en fait aujourd’hui trop. Son étoile semble sur le déclin. Celle de son parti ne l’est, malheureusement, pas et il reste primordial de mener la lutte antifasciste.

Bertold du Ryon