Le soir même de la victoire de Hamon à la primaire de la Belle Alliance, ce dernier a appelé au rassemblement au-delà du seul PS. Et depuis, ce thème du « rassemblement de la gauche » redevient central. Mais rassembler qui et sur quoi ?
Décidément, avec cette présidentielle, nous allons de surprises en surprises. Après la sortie des sortants, c’est le « champion » des Républicains qui s'enlise dans une affaire de détournement de fonds publics, d’emplois fictifs et même maintenant de trafic d’influence, remettant fortement en cause à cette étape sa présence au second tour, voire même sa candidature. Cette crise chez les Républicains permet au PS de souffler et de reprendre un peu de couleurs avec le candidat Hamon qui apparaît aujourd’hui comme « l’homme providentiel », faisant même espérer à l’ancienne Garde des Sceaux Taubira de « redevenir une gauche de combat plutôt qu’une gauche de constats. ».
Il y a encore quelques semaines, le PS était « enterré » et les candidats potentiels sondés n’étaient même pas au second tour. Désormais, Hamon commence à inverser cette tendance lourde et met en difficulté Mélenchon dans les sondages. Après avoir mis la question du « revenu universel » au cœur du débat politique, Hamon, en lançant dès sa victoire des primaires, un appel à un accord gouvernemental avec les écologistes et la France Insoumise, a remis à l’ordre du jour la question du rassemblement de la gauche...
Dans les urnes... et dans les urnes ?
La réponse des principaux concernés ne s'est pas fait attendre. Après quelques hésitations, les écologistes semblent prêts : « L’idée, c’est d’aller vers un projet commun, a indiqué Jadot au JDD. Il faudra dépasser les ego et les appareils. Si la dynamique se construit, ça finira par une candidature commune. »
Le PCF, qui soutient officiellement Mélenchon (comme la corde soutient le pendu ?), ne ferment pas la porte, à l’instar de Ian Brossat indiquant que « s’il reste fidèle au programme défendu pendant la primaire, nous pourrons faire la démonstration que des convergences de fond sont possibles – notamment dans la perspective d’une future majorité de gauche à l’Assemblée nationale. » C’est certain que pour les communistes, un accord serait le bienvenu… pour sauver leurs éluEs à l'Assemblée nationale !
La démarche est malheureusement quasiment identique du côté d'Ensemble qui n’a pas de députéEs à sauver... certainement à gagner ! Ainsi, l'organisation a adopté le week-end dernier une déclaration proposant de mettre en place un « Pacte pour une alternative à gauche » entre Hamon, Jadot et Mélenchon, ayant comme objectif « une majorité nouvelle à l’assemblée »... Du PS à Ensemble ? No comment.
Toujours virulent sur la forme, Mélenchon ne ferme plus la porte sur le fond, mais dimanche lors de son meeting de Lyon, il a rejeté toute idée de rassemblement d’appareils : « Ce que nous ne voulons pas, ce sont les combines et des arrangements ! » Il demande également au candidat PS de clarifier son rapport à la ligne du gouvernement, soulignant notamment que Myriam El Khomri est investie par le PS aux législatives... alors que le candidat du même PS demande l’abrogation de la loi qui porte son nom ! Ce dernier lui a répondu par meeting interposé qu’il ne ferait pas tomber de têtes, affirmant que « le bilan de François Hollande ne peut pas être l’axe autour duquel nous faisons campagne ».
Construire une réelle alternative
En parallèle à toute cette agitation, plusieurs pétitions circulent pour appeler Mélenchon, Hamon et Jadot à s’entendre autour d’une candidature commune pour cette présidentielle, en particulier face au danger FN. Une réunion s’est même tenue à Paris vendredi dernier, réunissant un peu plus de 150 personnes, avec la participation entre autre de Yannick Jadot, Guillaume Balas (député européen représentant Hamon), Pierre Laurent et Éric Coquerel...
La victoire de Hamon a certes ouvert une dynamique unitaire, mais laquelle ? Cette dernière ne va se construire que sur le terrain institutionnel, électoraliste, et ne sera en rien une aide pour la construction d’une force anticapitaliste, en particulier si elle a comme maître d’œuvre le représentant officiel d'un PS certes divisé... mais toujours largement rassemblé.
Ainsi, combattre le FN et les idées réactionnaires, relancer les résistances, contribuer à la reconstruction d'un mouvement ouvrier en difficulté, ne peut se faire qu'avec le rapport de force créé, parmi les travailleurEs et les exploitéEs, par le développement d'une force politique anticapitaliste fondée sur la solidarité et la justice sociale, et non par des petits arrangements et calculs électoraux à courte vue.
La situation ouverte par la crise actuelle est nouvelle, mais pour y répondre, il est urgent de mettre à l’ordre du jour un projet émancipateur qui aborde les vraies questions, celles qui opposent nos conditions de vie aux ravages de leur course au profit : partager le temps de travail, éradiquer la pauvreté, garantir la gratuité des besoins essentiels, assurer la justice climatique, se libérer du fardeau de la dette et de la finance, défendre la liberté de circulation et d’installation... Bref, avoir envie de débattre du fond, de la lutte des classes, et pas de celle des places.
Sandra Demarcq