Hollande mise sur le rejet de Sarkozy pour remporter les élections, ce qui n’est pas suffisant, mais, surtout, ne masque pas les nombreux points communs entre les deux candidats. Le 11 janvier, il y avait foule chez les socialistes pour l’inauguration du QG de campagne de Hollande. Fabius, Jospin, Aubry, Royal, Valls, Montebourg ont tous visité les 1000 m2 de l’hôtel particulier du centre de Paris loués 40 000 euros par mois. Cela fut l’occasion pour le candidat de dévoiler le slogan de sa campagne : « le changement c’est maintenant ! » Hollande fait décidément dans le registre mitterrandien : pèlerinage sur la tombe de l’ancien président, poses imitatrices pour les photographes, rien ne nous est épargné pour nous persuader que le nouveau « Mitterrand » est arrivé. En 1981, celui-ci promettait de « changer la vie », Hollande promet simplement le changement de président ! On est dans la caricature du mode de représentation politique : il faut voter pour l’homme, le programme passe après. Car à 100 jours du premier tour, toujours pas de programme officiel du candidat socialiste. Il ne sera publié qu’à la fin du mois de janvier !
Un article récent du Monde, relatif aux enseignements des élections espagnoles, mérite l’attention : « À chaque fois qu’il s’est avancé sur un sujet, Rajoy [le vainqueur des élections] a perdu trois points dans les sondages ». Du coup, sur tous les sujets « sensibles », Hollande botte en touche : réforme fiscale ? Remise aux calendes... Retraite à 60 ans ? Pour une infime minorité... Quels critères de régularisation des sans-papiers ? Pas une seule déclaration sur ce sujet... L’épisode du quotient familial est assez révélateur de la peur de Hollande de s’afficher « un peu trop à gauche ». Lundi 9 janvier est paru dans les Échos un article pointant la volonté de Hollande de supprimer le quotient familial... En fait, rien d’un scoop puisque cela figure depuis longtemps dans le projet du candidat. Mais immédiatement, les ténors de l’UMP se sont déchaînés, accusant Hollande de remettre en cause « la politique familiale française ». Sarkozy a utilisé le terme de « folie ». Du coup, les seconds couteaux de Hollande ont passé le reste de la semaine à corriger le tir, assurant que la suppression n’était « qu’une option », qu’il s’agirait plutôt de « modulation ». Le système du quotient familial, comme toute la politique fiscale actuelle, offre des avantages aux plus fortunés : il fait gagner 2 200 euros par enfant à un ménage gagnant 15 fois le Smic… et rien du tout à un ménage non imposable. Les 10 % de foyers les plus riches concentrent 42 % de l’avantage fiscal du quotient familial. Le supprimer pour les hauts revenus serait la moindre des choses. Mais dès que Hollande met en avant une idée un peu offensive contre les plus riches, il s’empresse de reculer.
Par contre, dès l’annonce par Standard and Poor’s de la dégradation de la note de la France, Hollande s’est empressé d’accuser Sarkozy de la perte du AAA mais aussi d’assurer qu’avec lui, les conditions du retour au AAA seront garanties. Aucune remise en cause du principe même des agences de notation et des mesures d’austérité prises sous la pression des marchés financiers. À la question posée par un journaliste du Monde : « Si vous êtes élu, la reconquête du triple A constituera-t-elle un objectif ? », Hollande répond « Mon objectif, c’est de redonner confiance à la France. Elle dispose de nombreux atouts, une démographie dynamique, une épargne abondante, une productivité élevée, qui rendent possible le redressement. » Dans l’exercice « langue de bois », Hollande tient la route à n’en pas douter ! Mais si l’on décrypte un minimum, pas de doute non plus : le candidat Hollande ne sera pas celui de la contestation du capitalisme. Ce n’est certes pas une surprise. Mais miser uniquement sur le rejet et le dégoût de Sarkozy pour remporter les élections et mener ensuite le même type de politique antisociale au service des banques peut s’avérer un mauvais calcul pour lui.
Les derniers sondages montrent que l’écart entre Hollande et Sarkozy se ressert au premier tour. Et surtout, la percée de Bayrou montre qu’aujourd’hui les atermoiements d’Hollande lui font perdre des voix sur sa droite... sans lui en redonner sur sa gauche. Pour l’instant, sa place au second tour ne semble pas être remise en cause, mais bien des choses vont se passer jusqu’à la présidentielle. La situation reste très ouverte, d’où la nécessité d’accentuer notre bataille politique d’ensemble au travers de la campagne Poutou : chasser Sarkozy en montrant que Hollande n’est pas la solution et que la situation exige une alternative anticapitaliste.
Marie-Hélène Duverger