Publié le Mercredi 8 janvier 2014 à 22h19.

Hollande responsable… devant le Medef

Au-delà de paroles creuses sur la « France forte », c’est la création d’un pacte de responsabilité avec les patrons qui a constitué la principale annonce du président lors de ses vœux du 31 décembre.

«Je propose un pacte de responsabilité aux entreprises. Il est fondé sur un principe simple : moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leurs activités et, en contrepartie, plus d’embauches et plus de dialogue social. » Le président a parlé.

Reculs en cascadeJusqu’à présent, Hollande tenait à sauvegarder un discours un peu à gauche… tout en multipliant les cadeaux aux patrons et aux revenus élevés. On peut en citer quelques-uns particulièrement significatifs. D’abord, son recul sans combat devant les « pigeons » (c’est-à-dire des patrons qui veulent avoir le droit de céder leur entreprise sans payer des impôts en fonction de leur enrichissement) a porté un coup au principe affirmé durant la campagne présidentielle d’imposition égale du travail et du capital. Ensuite, ce fut la décision de ne pas réglementer les retraites chapeaux et autres avantages financiers que s’octroient les dirigeants des grandes entreprises, pour s’en remettre à un code de conduite dont l’application est contrôlée par un comité du patronat : le cas de Varin (patron de PSA) a montré que ce comité n’a bougé que quand les syndicats et la presse ont sorti l’information.Le lobby bancaire a eu la peau de l’engagement de Hollande de séparation des activités spéculatives des activités de crédit : la loi bancaire concernera moins de 1 % des activités des banques. Le patronat a eu la satisfaction de voir le gouvernement édulcorer, puis faire repousser la proposition de loi sur l’amnistie des syndicalistes condamnés pour des actions liées à des conflits sociaux. Cela permet la poursuite de l’acharnement politico-judiciaire contre les cinq militants CGT de Roanne, poursuivis pour avoir refusé de se soumettre à un prélèvement ADN. La réforme des retraites se fait sans que cela coûte quoi que ce soit aux entreprises. Enfin, le « pacte de compétitivité » se solde par la mise en place d’un crédit d’impôt pour les entreprises qui va atteindre 20 milliards d’euros et qui est en partie financé par la hausse au 1er janvier de l’impôt le plus injuste : la TVA.

À plat ventre devant les patronsLe 10 septembre 2013, Libération faisait sa une sur « Hollande, président des patrons ». Aujourd’hui, c’est Hollande à plat ventre devant le patronat. Dans une interview au Monde du 4 janvier dernier, Pierre Gattaz, président du Medef, affirme qu’il accueille favorablement le pacte de responsabilité de Hollande. Il en raconte aussi la genèse. En novembre dernier, le Medef a transmis au président un projet de « pacte de confiance ». Gattaz note que le contenu des deux pactes est « très proche ». Loin des hypocrisies de la campagne présidentielle, le discours de Hollande reprend celui, traditionnel, des organisations patronales basé sur la réduction des « charges » et des « contraintes ». En contrepartie, sans s’engager à rien en termes d’embauches, Gattaz annonce un million d’emplois. D’ailleurs, il ne précise même pas s’il s’agit d’emplois supplémentaires.On remarquera que les annonces faramineuses sur l’emploi sont une spécialité de la famille Gattaz. Le père de Pierre, Yvon, président du CNPF (l’ancêtre du Medef) entre 1981 et 1986, avait lui promis la création de 471 000 ENCA, « emplois nouveaux à contraintes allégées », si l’autorisation administrative de licenciement était supprimée. Elle l’a été en 1986 par Chirac et aucun emploi supplémentaire n’a été créé, comme l’a avoué dans un débat parlementaire en 2012 le député UMP Étienne Pinte, rapporteur du texte à l’époque.Nous voilà donc prévenus. C’est le patronat qui va directement dicter les réformes de la deuxième partie du quinquennat. Quels que soient les résultats des futures municipales et européennes, malgré quelques grognements, la grande masse des députés et sénateurs socialistes suivra, tandis que le Front national essaiera de capitaliser le mécontentement populaire. Seule une mobilisation massive de « ceux d’en bas », de ceux que les « socialistes » trahissent jour après jour, peut mettre en échec ce scénario.

Henri Wilno