Publié le Vendredi 16 juillet 2021 à 14h44.

Instabilité et réaction : il faut inverser la vapeur

Alors que nous arrivons à la fin du mandat d’Emmanuel Macron et que nous nous avançons à grand pas vers l’élection présidentielle, la crise du Covid et ses retombées politiques et économiques continuent de marquer la situation politique dont les élections régionales viennent de nous confirmer les éléments structurants.

Si les mesures de restriction sont peu à peu levées, en particulier le couvre-feu avec lequel nous avons vécu presque dix mois, nous sommes loin de la sortie. En effet, le variant delta fait des ravages dans certains pays comme l’État Espagnol ou le Portugal et, avec le faible taux de vaccination en France – seulement 50 % de la population a reçu une première dose – on peut craindre une nouvelle flambée de l’épidémie. Mais, quatrième vague ou non, les conséquences de l’épidémie vont être durables. La première est l’approfondissement de la crise économique mondiale. Selon Oxfam, c’est un demi-million de personnes dans le monde qui souffrent de famine, soit six fois plus qu’en 2019, et 155 millions de personnes en situation de crise alimentaire, soit une augmentation de vingt millions1. L’isolement social, le repli sur la cellule familiale et la difficulté de maintenir des formes d’organisation collective auront là aussi des conséquences sur la conscience de classe à une échelle de masse. Enfin, l’état d’urgence sanitaire aura permis un renforcement de l’État fort, un tournant autoritaire dont la loi dite « séparatisme » est une illustration.

Les élections régionales comme révélateur

Le résultat des élections régionales est un des baromètres de la situation politique en France. Il nous montre une déroute de La République en Marche à moins d’un an de l’élection présidentielle. Le gouvernement, par sa gestion dramatique de la crise mais aussi après le mouvement des retraites et des Gilets jaunes, se retrouve fortement délégitimé. Cette crise de légitimité ne se concrétise pas par un mouvement de masse, ou par une alternative électorale. Les scores du RN sont plus bas que ce qu’on pouvait craindre, mais ils restent très élevés, compte tenu notamment de l’abstention, et l’on continue d’assister à une montée réactionnaire qui n’est pas uniquement incarnée par l’extrême droite traditionnelle. Effectivement la porosité entre les partis dits « républicains » et le RN est presque devenu un lieu commun, tandis que des groupes violents se construisent autour du RN.

Dans le même temps, l’abstention a atteint un nouveau record, avec 65 à 67 %, entre régionales, départementales, premier et second tour. La grande majorité des gens ne votent plus. Ce constat montre encore une fois le peu de légitimité des partis institutionnels. La défiance envers l’État et les politiques continue de s’accentuer comme l’avait montré l’irruption des Gilets jaunes. Cependant, les révolutionnaires auraient tort de voir dans l’abstention un signe strictement positif car le problème numéro un face à une offensive réactionnaire sans précédent est l’absence d’une quelconque alternative.

Pourtant, il ne se passe pas rien, des mobilisations existent et peuvent même prendre un caractère très radical dont il faut se réjouir : pour la Palestine, ou les mobilisations LGBTI qui ont vu cette année un véritable renouveau, etc. Mais l’ensemble de ces mobilisations se font à côté du mouvement ouvrier, qui lui continue de ne pas réussir à rendre les coups. Ce sont des fractions de la classe qui s’organisent, qui se mobilisent, mais sans que le reste de la classe suive. C’est un signe de l’incapacité de la classe ouvrière à se constituer en force politique, ce qui pour nous les révolutionnaires est le problème déterminant actuellement. En effet, non seulement cela pèse concrètement sur la conscience et le rapport de forces entre les classes, mais cela empêche, à une échelle de masse, les décantations entre les différentes orientations dans le mouvement ouvrier.

L’échec de la gauche réformiste

La gauche institutionnelle est incapable de construire l’alternative au Macron-Le Pen dont la grande majorité des travailleurs/ses ne veulent pas. La bataille, très dure, pour l’hégémonie à gauche a affaibli La France insoumise qui depuis 2017 était en position de force. Mais la faiblesse des mobilisations et le tournant réactionnaire l’ont fortement impactée et elle n’a pas pu se maintenir au deuxième tour des régionales. C’est au contraire la gauche la plus institutionnelle qui est en train de se reconstruire, que ce soit le PS ou EELV, alors que le PCF tente de coller à l’air du temps – réactionnaire, avec les sorties de Roussel comme sa présence à la manif des syndicats de police ou le refus de signer l’appel à manifester le 12 juin. Ce glissement du PCF vers la réaction, même s’il n’est pas inédit dans son histoire, ne peut pas réjouir alors que l’hypothèse d’une victoire de l’extrême droite voire du fascisme n’a jamais semblé si actuelle.

Tout l’échiquier politique continue de se déplacer vers la droite, avec un RN contesté par les groupuscules nazis, par Zemmour, une droite institutionnelle qui colle à ses orientations, une gauche où PS et EELV prennent le dessus sur la FI et la grande faiblesse de l’extrême gauche, même si LO, en se présentant aux régionales, a pu capter 300 000 voix.

Les éléments de crise politique, de crise de représentation de la bourgeoisie avec la fragilité de LREM sont maintenus, tandis que la crise de représentation du prolétariat est plus forte que jamais. Cela laisse la porte ouverte à des basculements, des recompositions, des accélérations concernant les mobilisations, les représentations politiques ou les secteurs dirigeants du pouvoir. Mais force est de constater que, dans le contexte de crise globale du capitalisme, ce sont les secteurs les plus autoritaires, l’extrême droite politique comme les couches de l’appareil d’État que sont la police, l’armée et même une frange des hauts fonctionnaires, ainsi que certains secteurs de la bourgeoisie (voir article page 11 dans ce numéro) qui se renforcent.

Où va Macron ?

Dans ce contexte, le pouvoir bonapartiste de Macron, devenu président en bénéficiant de l’usure de LR et du PS, partis traditionnels de gestion des affaires de la bourgeoisie est en équilibre précaire. Il est maintenant haï par l’immense majorité des classes populaires et se positionne plus que jamais comme élément de stabilité face à l’extrême droite. Les élections régionales ont montré une fois de plus à quel point sa base sociale est réduite.

Son optique sera certainement de tenter de l’élargir dans la prochaine période car, si l’élection présidentielle est risquée pour lui, les législatives pourraient bien se solder par un fiasco qui déséquilibrerait encore davantage le système. Pour se renforcer, il n’a pas d’autre choix que de tenter de renforcer la posture bonapartiste, en prouvant qu’il est capable de réprimer, de fournir une réponse autoritaire et raciste, tout en lâchant des miettes aux couches supérieures du salariat avec, on l’a vu, de petites augmentations de revenus pour les fonctionnaires de catégorie C. Concernant les retraites, le gouvernement ne semble pas avoir fait son choix entre la confrontation avec le monde du travail et le report de la réforme, ce qui est bien symptomatique de sa difficulté de positionnement à 8 mois du premier tour de la présidentielle. Mais, évidemment, rien n’est envisagé pour les couches les plus populaires, pour l’emploi, le temps de travail, sans parler de mesures qui s’opposeraient aux capitalistes.

L’urgence d’une alternative, la place de la campagne Poutou

Il est difficile de prévoir comment se passera l’année, comment se déroulera l’élection présidentielle. Mais les éléments structurants sont nets : poussée réactionnaire, faiblesse de la gauche, instabilité partout. Dans ce contexte, le NPA a fait le choix d’être présent à l’élection présidentielle pour défendre deux axes fondamentaux.

Le premier axe est la reconstruction du mouvement ouvrier, une politique pour l’unité d’action sur tous les terrains, contre l’autoritarisme et l’extrême droite, contre les politiques racistes, pour l’égalité, pour l’emploi et l’ensemble des intérêts immédiats du monde du travail et plus largement, notamment pour ce qui concerne les crises écologique, économique et sanitaire. C’est la réponse fondamentale à la faiblesse de la gauche, du mouvement ouvrier, au recul de la conscience de classe. De ce point de vue, cette année, dans le contexte de crise politique, nous devrons œuvrer à ce que les mobilisations s’attaquent au pouvoir, à la classe dominante, c’est-à-dire autant aux capitalistes qu’à leur personnel politique. Macron et ses ministres sont la forme politique du pouvoir bourgeois, les dégager ou sinon les affaiblir, par le rapport de force social, est un chemin fondamental pour la reconstruction du prolétariat en classe.

Le second axe de la campagne Poutou sera de contribuer à bousculer le jeu politique classique pour affirmer la possibilité d’une alternative de rupture. D’une part, percuter le duel Macron - Le Pen, qui est un vrai choix pour la classe dominante entre la fuite en avant fascisante et l’autoritarisme ultralibéral, mais en aucun cas une solution pour les classes populaires. D’autre part, percuter la dispute à gauche entre les différentes versions d’une gauche institutionnelle qui a failli. En effet, si nous nous retrouvons avec les militantEs du PC et de La France insoumise dans les mobilisations, contrairement à ce qui reste du PS, leur rapport aux institutions est de fait – bien qu’à des niveaux différents – en décalage avec la nécessité de construire le rapport de forces, l’unité dans l’action, sans parler d’une véritable rupture avec le système.

La campagne Poutou veut incarner la possibilité d’irruption du prolétariat sur la scène politique avec une orientation indépendante : que les Gilets jaunes, les LGBTI mobiliséEs pour la PMA, les jeunes de quartiers populaires, les ouvriers en lutte pour leur emploi, toutes celles et ceux se reconnaissant dans cet ouvrier licencié qui n’a rien à voir avec les politiciens installés, s’approprient la nécessité de renverser le capitalisme, de participer à une révolution sociale qui change tous les rapports sociaux pour construire une société débarrassée de l’exploitation et des oppressions.