L’élection de François Mitterrand en 1981 suscita beaucoup d’espoirs. Dans les Mauges (ouest du Maine-et-Loire) les militants, pour la plupart issus de la gauche chrétienne, crurent qu’un lycée public allait enfin pouvoir voir le jour chez eux. Étienne Davodeau le rappelle ironiquement à la fin de sa BD Les Mauvaises gens… 30 ans plus tard, la lutte pour le lycée public continue.
C’est ainsi que 500 personnes (parents et enfants, FCPE, syndicalistes FSU, CFDT, UNSA ou Solidaires, militants politiques) ont manifesté dimanche 7 février devant la préfecture de région de Nantes, à l’appel du Collectif vigilance laïcité et du Collectif pour la promotion de l’école publique dans les Mauges. Une pétition signée sur place par 475 manifestants a été remise au directeur du cabinet du préfet. Pourquoi une telle mobilisation, et pourquoi maintenant ? Après six ans de mandat et de tergiversations, le conseil régional PS-PCF-Verts paraissait pourtant prêt à porter un projet de cité scolaire regroupant collège et lycée public à Beaupréau, centre géographique de cette région rurale de près de 100 000 habitants, au fort taux de fécondité.
Las, l’opposition du conseil général du Maine-et-Loire dirigé par Christophe Béchu (tête de liste UMP aux élections régionales) et du recteur reste la plus déterminée. Le Préfet de région l’a signifié brutalement : que les élèves des Mauges aillent à Cholet ou Angers s’ils veulent aller dans le public ! Tout au plus admettrait-il quelques filières de formations professionnelles adaptées au faible niveau de scolarité requis par les nombreuses petites entreprises de la région…
C’est que l’enseignement catholique ne veut pas voir écorné son monopole dans le fief que lui a laissé la contre-révolution catholique après les guerres de Vendée. Autour de Beaupréau, seulement 15 % des collégiens peuvent être scolarisés dans le public. Des dizaines de communes ne possèdent tout simplement pas d’école publique, à cause de l’opposition des maires de droite et de la complicité de l’État. Quand, il y a une vingtaine d’années, les familles laïques ont obtenu à Andrezé l’ouverture de classes publiques, les pressions ont été énormes, allant jusqu’à des représailles, notamment des refus de vente de la part de certains commerçants opposés à « l’école du diable », qui ont fini par pousser les parents du public à quitter le village. Le droit à l’école publique et à la laïcité est tout simplement piétiné dans les Mauges. La manifestation de Nantes du 7 février traduit indéniablement un regain de mobilisation du camp laïque. Il est vrai qu’elle s’est tenue à la veille de la campagne des élections régionales : les listes LO, NPA-Front de Gauche-Alternatifs-FASE, Europe Écologie et PS-minorité du PCF n’ont pas manqué le rendez-vous… Mais surtout, la dictature de l’institution catholique sur les consciences s’effrite peu à peu. L’arrivée de nouvelles populations « rurbaines » (nommés « les survenus » par les conservateurs locaux) renforce cette tendance libératrice. Les revendications portées par le camp laïque doivent être à la hauteur de l’attente des parents.
Comme le rappelle dans un communiqué la liste « Tous Ensemble, la gauche vraiment » à laquelle participe le NPA : « le temps n’est pas aux demi-mesures qui viseraient à la construction de locaux n’abritant que des filières de formation professionnelle ou une simple annexe d’un lycée public déjà existant. Il faut construire les bâtiments, assurer la dotation en personnels d’un lycée général public de plein exercice et y adjoindre un collège ».
Et que ce rêve porté depuis des décennies par des générations de militants et parents laïques devienne enfin une réalité !