Frédéric Lordon et François Ruffin ont appelé à « faire sa fête à Macron » le 5 mai. Une initiative directement inspirée par Mélenchon et La France insoumise, mais dont le mouvement ouvrier peut se saisir.
Le tableau était complet : une Bourse du travail pleine à l’initiative du réseau Lordon-Ruffin, des animateurEs de luttes présents : notre camarade Gaël Quirante, Loïc de Jolie Môme, des étudiantEs, cheminotEs, infirmières, employées de Carrefour… Le rassemblement s’est terminé par la « proposition » d’une manifestation nationale le 5 mai, votée à main levée. À peu près exactement la proposition formulée auparavant par Mélenchon. Le soir même, les députés France insoumise relayaient la proposition, dès le lendemain des collectifs « Faisons la fête à Macron » émergeaient, et un « comité de pilotage » était proposé en réunion unitaire des organisations politiques. Les ficelles sont grosses mais ne perdons pas notre temps à en mesurer la circonférence.
La nécessité d’une convergence des luttes
Après trois semaines de grève des cheminotEs, des mois de mobilisation étudiante, des semaines de mobilisations éparses dans les hôpitaux, aux finances publiques, à Air France, dans le privé contre les licenciements, il faut faire quelques constats politiques.
Le premier est que, si la colère est très forte, il n’y a pas de secteur suffisamment puissant pour obtenir une victoire seul. Cela tient à la difficulté, dans un contexte de recul du mouvement ouvrier, à construire des mobilisations majoritaires, en raison, notamment, de la politique des directions syndicales, et à de la détermination du gouvernement.
Le second constat est qu’il faut donc une/des initiative(s) extérieure(s), supplémentaire(s), pour aider à franchir un cap. C’est pour cela qu’en gardant en tête ce sur quoi insiste souvent LO avec raison, qu’il n’y a pas de convergence des luttes sans luttes, le NPA a initié les réunions unitaires des organisations politiques. Nous avons besoin d’un mouvement profond et interprofessionnel d’une classe ouvrière éclatée, fracturée, en recherche de stratégie, de projet de société. C’est pour cela que nous bataillons pour la constitution de collectifs unitaires de soutien à la grève des cheminotEs et aux services publics : il s’agit d’appuyer la mobilisation de notre camp social partout, au-delà des lieux de travail, pour construire des convergences, enrichir les débats.
Cet engagement profond doit, pour exister matériellement, se concrétiser par des échéances militantes sur les places, dans la rue, comme la manifestation de Marseille le 14 avril, le 1er mai ou… le 5 mai.
Un outil pour la grève de masse
Les verrouillages syndicaux, en particulier à FO et dans l’éducation où la FSU contribue à freiner une convergence de tous les services publics, réduisent fortement les possibilités de mouvement d’ensemble.
L’initiative du 5 mai a donc l’avantage de tenter de passer au-dessus de ces freinages, tout en s’adressant explicitement aux secteurs syndicaux. Si la manifestation du 5 mai est une réussite, cela donnera indéniablement du courage aux salariéEs pour se mobiliser. La semaine du 1er mai, du 3 mai (grève dans l’éducation) et du 5 mai peut permettre à la mobilisation de franchir un cap, d’encourager les grèves reconductibles et l’entrée de nouveaux secteurs.
Si nous espérons la réussite d’une échéance, il ne faut pas rester sur le bord à regarder sa mise en place : il faut participer à sa construction. En évitant les pièges, qui sont réels.
Ainsi, nous bataillons pour que cette journée s’inscrive dans le cadre de la construction des grèves, qui sont seules à permettre un rapport de forces suffisant pour gagner. Il ne s’agit pas de « faire la fête » un samedi et de retourner au boulot comme si de rien n’était le lundi suivant. Nous menons aussi une bataille pour que cette journée ne soit pas préparée par des collectifs limités au 5 mai, mais au contraire que des collectifs se mettent en place partout pour participer à une bataille sociale globale pour les cheminotEs, les services publics et contre le gouvernement.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, il est difficile de savoir si la manifestation du 5 mai sera une réussite ou non, si des forces conséquentes s’y engageront, notamment des structures syndicales. Mais, de toutes nos forces, comme nous souhaitons la réussite des journées de grève, des manifestations, nous souhaitons que le 5 mai soit une grande réussite qui donne un contenu à commun aux luttes actuelles, pour dégager Macron davantage que lui faire sa fête, et mettre un coup d’arrêt aux attaques antisociales.
Antoine Larrache