Ni antisémitisme ni trouble à l’ordre public : la solidarité avec les Palestiniens est un droit !
En choisissant d’interdire certaines manifestations organisées en solidarité avec le peuple palestinien martyrisé, les autorités françaises ont franchi un cap dans leur soutien affirmé à Israël. En amalgamant opposition à la politique criminelle d’Israël et antisémitisme, Hollande-Valls et les officines pro-israéliennes ont franchi un cap dans l’abjection idéologique. Mais ces attaques ne nous feront pas taire, bien au contraire.
Interdire… au nom de quoi ?La décision d’interdire des manifestations a été prise au prétexte des incidents qui ont eu lieu en marge de la manifestation parisienne du 13 juillet. Mais de quels incidents parle-t-on ? La Ligue de défense juive (organisation interdite aux États-Unis et en Israël même) a une fois de plus joué les agents provocateurs en appelant à un rassemblement devant une synagogue située à quelques centaines de mètres de la fin du défilé. Un piège tendu aux manifestants, que la LDJ est en outre venue provoquer, et dans lequel se sont engouffrés quelques dizaines de participants souhaitant en découdre avec cette milice qui n’a de cesse de s’en prendre physiquement aux militantEs de la cause palestinienne. Mais jamais, comme l’a confirmé le président de la synagogue de la rue de la Roquette (« à aucun moment nous n’avons été physiquement en danger »), le lieu de culte n’a été attaqué. Jusqu’à cette provocation, la manifestation s’était parfaitement déroulée, de même que se sont parfaitement déroulées les initiatives organisées partout en France. Les autorités ont pris une décision qui en dit long : interdire, à ceux qui exigent que le droit international soit appliqué et que les criminels de guerre soient sanctionnés, de s’exprimer, et donner raison à ceux qui prônent racisme, haine et violence. Le monde à l’envers… Et ce qui devait arriver arriva : le week-end des 19-20 juillet, les deux seules manifestations qui ont été émaillées d’incidents sont les deux manifestations interdites. Le parallèle est saisissant : pour Valls, les incidents en marge des manifestations interdites sont la preuve, a posteriori, qu’il fallait les interdire, de même que pour Netanyahou, la recrudescence des tirs de roquettes depuis le début des bombardements massifs est la preuve, a posteriori, qu’il fallait bombarder. Vous avez dit prophétie auto-réalisatrice ?
Juifs = Israël… Qui fait l’amalgame ?Ne soyons pas naïfs : il existe des individus et des courants (on pense notamment ici au tandem Soral-Dieudonné) qui instrumentalisent la cause palestinienne pour diffuser un message de haine à l’égard de l’ensemble des Juifs, en les amalgamant à la politique de l’État d’Israël. Et certains antisémites essaient de s’appuyer sur les mobilisations en cours pour entretenir cette haine et, même, passer à l’acte. Ils doivent être implacablement combattus. Mais il est scandaleux de pratiquer l’amalgame entre solidarité avec les Palestiniens et antisémitisme, ou même entre antisionisme et antisémitisme. Remettre en question l’occupation civile et militaire de la Palestine, les violences commises par l’armée israélienne ou, pour l’antisionisme, la légitimité de l’établissement et du maintien, au cœur du monde arabe, d’un « État des Juifs » fondé sur une conception racialiste de l’histoire et des rapports sociaux, sont des positions politiques légitimes, et absolument pas l’expression d’un rejet des Juifs comme groupe. L’amalgame ne vient pas du mouvement de solidarité, qui a toujours été admirable de vigilance sur ces questions. On ne peut pas en dire autant de la LDJ, du Crif et du gouvernement. Lorsque le Crif, qui prétend parler au nom « des Juifs » de France se comporte en ambassade d’Israël bis, qui amalgame ? Lorsque la LDJ appelle à des rassemblements de soutien à Israël devant des synagogues, qui amalgame ? Lorsque Manuel Valls dénonce « une jeunesse qui cache sa haine du Juif derrière un antisionisme de façade et derrière la haine de l’État d’Israël »... lors de la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv, qui amalgame ? Et enfin, lorsque François Hollande dénonce les manifestations de soutien aux Palestiniens alors qu’il décore deux « chasseurs de nazis », qui amalgame ? La meilleure réponse au piège tendu par ceux qui veulent délégitimer le soutien aux Palestiniens est d’amplifier ce soutien, et d’être intraitable face aux tentatives d’intimidation : la solidarité avec les Palestiniens est un droit, et même un devoir, et ce ne sont pas les soutiens, affirmés ou honteux, à un État criminel, qui nous feront taire, quelle que soit la violence ou la perfidie de leurs attaques.
Julien Salingue