Publié le Jeudi 4 janvier 2018 à 08h37.

Les contradictions d’un président des riches

Retour sur l'année 2017. De la création du mouvement En Marche (devenu LREM) aux premier mois de la présidence, en passant par sa victoire au terme d’élections toboggan, retour sur l’an 1 de l’ère Macron. 

Lorsqu’il a quitté le gouvernement Hollande dont il avait été ministre pour se lancer dans une course à la présidentielle avec la création de son propre mouvement « ni de gauche ni de droite », le pari de Macron ne semblait pas très crédible. 

Le pari macronien

Mais le processus de rupture de masse avec le Parti socialiste suite à l’adoption de la loi travail par la méthode du 49-3 et la crise de la droite notamment autour de l’affaire Fillon, qui s’ajoutaient aux craintes par rapport à un Front national frôlant les 30 % dans les sondages, auront fini par lui donner raison sur le plan électoral.

Au terme d’élections particulièrement convulsives, il aura, à l’image d’autres à l’échelle internationale, réussi à s’imposer dans les brèches ouvertes par des institutions – et des partis institutionnels – en crise et générant une profonde désaffection chez les travailleurEs et, plus généralement, dans les classes populaires. Non pas comme une réelle alternative suscitant de l’enthousiasme mais plutôt en tant que candidat « par défaut ».

Une élection par défaut qui ne résout pas la crise politique

Le rejet du FN et la campagne des autres partis du régime pour le « barrage républicain » en votant Macron au second tour n’auront pas suffi à mobiliser l’électorat : record de votes blancs et nuls et très fort taux d’abstention pour une échéance de ce type, qui a atteint 34 % chez les 18-24 ans, 32 % chez les ouvrierEs et 30 % chez les employéEs. Ce faible score du vainqueur de l’élection reflète une hostilité bien réelle au sein du monde du travail, dont a témoigné le succès relatif de la journée d’action du 12 septembre, fait rare dans une période qui aurait dû être celle de l’état de grâce, même si l’absence de stratégie de la part des directions syndicales a conduit le mouvement à une défaite sur les ordonnances.

L’élection de Macron est un changement dans la conjoncture, en comparaison avec la période de turbulence de la présidentielle, mais n’a pas refermé la crise structurelle du capitalisme français : il s’agit tout autant d’une expression de cette crise que d’une tentative de la résoudre. Le retour du cycle de lutte de classe à la fin du quinquennat Hollande, après la parenthèse ouverte par la défaite du mouvement contre la réforme des retraites en 2010 et la déception produite par un gouvernement « de gauche », la crise politique et l’effondrement des partis politiques, de la social-démocratie à la droite traditionnelle, nous rappellent l’existence de tous les ingrédients pour une grande agitation politique et sociale dans la prochaine période.

Président des riches

D’autant plus que l’exercice du pouvoir par Macron ne fait qu’aggraver ces contradictions autour de la cristallisation de l’image d’un président des riches. Par ses mesures emblématiques comme la réduction de l’impôt sur la fortune (ISF) ou la baisse des APL, mais aussi par le mépris de classe qu’incarne Macron lui-même, avec la succession en à peine quelques mois d’épisodes comme son discours sur les « feignants », ses propos sur les ouvriers de GM&S en lutte contre la fermeture de leur usine dans la Creuse, ou encore sa conférence paternaliste à l’université de Ouagadougou.

Mais au-delà même du seul terrain social, où les cadeaux faits aux plus riches et les attaques contre les acquis des travailleurEs s’enchaînent, c’est une vraie politique de droite que le gouvernement a menée sur tous les fronts. Sur le terrain sécuritaire, Macron a poursuivi la politique de militarisation de l’espace public et de dérive autoritaire, avec pour point d’orgue l’entérinement de l’état d’urgence dans le droit commun. En ce qui concerne les migrantEs, la circulaire adressée par le ministère de l’Intérieur aux préfets, qui préfigure la loi « immigration-asile », propose de renforcer encore un peu plus et de légaliser la chasse aux migrantEs. 

Si la tactique d’« enchaînement » des attaques porte pour l’heure ses fruits, reste à savoir jusqu’à quand cela va durer, alors que certains dirigeants de centrales syndicales, véritable main gauche de la politique macroniste, en particulier Jean-Claude Mailly de Force ouvrière, ont été sérieusement remis en cause lors de l’épisode des ordonnances. Si Macron a jusqu’ici globalement réussi son baptême du feu, il y a fort à parier que les 4 ans et demi à venir connaîtront tôt ou tard de sérieuses secousses sur le terrain des luttes, dont les batailles actuelles contre l’application des ordonnances entreprise par entreprise, parfois victorieuses comme dans le cas du nettoyage des gares franciliennes, ne sont que les premiers signes.

Daniela Cobet