Publié le Mardi 1 février 2022 à 08h00.

Les Sleeping Giants réveillent la lutte antifa

Aux États-Unis, en 2016, des sites comme Breitbart News ont permis la victoire de Trump, à coup de fake-news, de rumeurs nauséabondes et de débats haineux. Et tout ce déversement de boue sur l’internet était financé par la publicité faite par de grandes entreprises sur ce site.

Un groupe d’activiste s’est alors lancé dans une expérience surprenante dans la lutte contre les réseaux d’influence fascistes grand public. Les Sleeping Giants (SG), ces géants endormis, se sont ainsi éveillés au lobby auprès des marques qui avaient de la pub sur le site Breibarts News. Un argumentaire en béton, des milliers de mails et des coups de fil passés aux sièges des grandes entreprises peu regardante sur les sites de diffusion de leur publicité ont suffi à couper Breibart News de 90% de ses revenus publicitaires. « À ce jour, plus de 4 000 entreprises ont retiré leurs annonces de Breitbart News, parmi elles plus de 1 100 en Europe » explique les SG sur leur site.

En 2017, un groupe d’activistes français s’est aussi lancé dans la lutte sur le même modèle : assécher la fachosphère de ses revenus publicitaires. « Nous nous basons sur un ensemble de valeurs de respect humain et de non-discrimination que nous estimons universelles. Lorsque nous considérons que de manière répétée ou systématique, un média renie ces valeurs, oriente systématiquement ses publications pour inciter à la peur, à la haine et au rejet, alors ce média suscite une attention particulière de notre part » explique le porte-parole des SG au Parisien en 2019.

Des victoires

Le système de publicité sur internet passe par des régies (comme Google Ads) et les entreprises leur confient le soin diffuser leurs campagnes publicitaires sur des sites qui attirent suffisamment d’internautes pour que les pubs soient le maximum efficace. Mais dans ces « paniers », s’il y a le Monde, le Point, Cheminée magazine ou L’Histoire... on y trouve aussi les sites les plus en vue de la fachosphère. Et bien souvent les marques se désintéressent du lieu numérique où sont diffusées leurs publicités. Sleeping Giants a pour but de rappeler à ces entreprises que le racisme, le sexisme ou la transphobie sont des délits que condamne une très majorité de leur clientèle.

Leur premier galop d’essai a été de s’attaquer à deux sites : Boulevard Voltaire et BreizAtao1. Boulevard Voltaire a été blacklisté par 1 000 annonceurs et pour BreizhAtao, Google Ads, la régie pub de Google a même fermé son compte... La dèche pour les faf, et une première victoire pour Sleeping Giants. Mais, si ces deux sites ont une influence non négligeable dans la fachosphère, leur pouvoir de nuisance est, à l’extérieur de cette dernière, nulle.

Alors en 2019, c’est au tour des chaînes employant Zemmour, CNews et Paris-Première, de subir la pression des SG. Et là encore c’est un carnage et le désengagement publicitaire de grandes marques est massif : Ferrero, Monabanq, Maaf, Maif, Groupama, PSA…

Une bataille

Rapidement la nouvelle cible des Sleeping Giants sera Valeurs actuelles. La revue a déjà été condamnée par la justice : provocation à la haine raciale contre les Roms (2015) et injure publique à caractère raciste envers Danièle Obono (2021), sans compter les articles antisémites, islamophobes, sexistes ou relayant un faux sondage ainsi que des fausses informations... Bref ce torchon est tout à fait éligible à une campagne menée par les Sleeping Giants.

Nouvelle victoire : des centaines d’annonceurs dont Toyota, Nike ou Décathlon retirent leurs publicités et privent la revue d’un tiers de ses revenus publicitaires. Mais en juin dernier, Valmonde et Cie, propriétaire de Valeurs actuelles, porte plainte contre le Sleeping Giants. L’affaire est en cours.

Les fachos ont depuis décembre dernier lancé une contre-offensive en créant un groupe nommé les Corsaires. C’est un groupe d’activistes numériques qui squattent les adresses numériques dont l’orthographe est proche de celle de « Sleeping Giants » pour les rediriger vers le site des Corsaires (du typosquatting). Ils ont lancé plusieurs contre-campagnes pour harceler toutes les marques qui ont choisies de ne plus faire de pub sur la fachosphère. Ils ont aussi collé des affiches dans Paris et quelques autres grandes villes. Bref, rien de très brillant...

Des menaces de morts contre les militants des Sleeping Giants circulent sur le net depuis quelques semaines. Le plus explicite est celui d’Alice Cordier, présidente de Némésis, une association de femmes fascistes. Elle a publié, dans un de ses tweets, une photo où elle s’entraine dans un stand de tir avec pour légende : « Bye bye Sleeping Giants, on arrive ». Quand les fachos sont fachés, ils se lâchent et menacent.

 

Donc si vous voulez participer aux actions des SG : https://twitter.com/slpng_giants_fr

  • 1. BreizAtao, « Bretagne toujours », en français était le nom du journal du Parti national breton, groupe pronazi. Le créateur du site, Boris Le Lay est par ailleurs en fuite au Japon après de multiples condamnations pour racisme et négationnisme notamment.