Publié le Mercredi 11 avril 2012 à 16h54.

Les urnes et les luttes

La montée du Front de gauche fait grincer bien des dents pas seulement à droite mais aussi à gauche… Si Parisot le qualifie d’ « héritier d’une forme de Terreur », on entend surtout crisser celles, longues à rayer les parquets, de ces petits marquis socialistes qui font tous les cinq ans le coup du chantage au vote utile pour nous imposer leur politique de gestionnaires du capitalisme. Gérard Collomb, le maire de Lyon, a même poussé la bêtise jusqu’à comparer le Front de Gauche aux khmers rouges ! Il est vrai que le bonhomme a l’imagination rikiki, il avait déjà qualifié Eva Joly de khmer verte. 

Au NPA, nous ne déplorons ni ne minimisons le succès du Front de Gauche. Il faut plutôt essayer de voir s’il peut ouvrir une situation nouvelle.La brèche ?Ceux qui veulent voter Mélenchon ne veulent plus se contenter de cette gauche au rabais, qui leur promet juste de faire régresser la société un tout petit peu moins vite que la droite. C’est un tel sursaut qui peut rendre possible une réponse radicale face à la crise.

Mais comment le concrétiser ? Malheureusement Mélenchon et – tous – ses alliés entretiennent l’ambiguïté sur l’enjeu de cette élection. L’ « insurrection civique », c’est la radicalité enfermée dans la petite boîte des institutions, l’espoir d’un scrutin qui pourrait être en lui-même le débouché politique de la révolte. Mélenchon et ses alliés (ils se partagent d’une certaine façon les rôles) jouent d’une ambiguïté savamment entretenue entre la défiance contre Hollande et l’espoir que la gauche, à condition d’être électoralement rééquilibrée, pourrait peut-être bien mener (après tout !) une « politique de gauche », même sous la direction de Hollande. Mélenchon n’ira donc pas dans un gouvernement « Hollandréou », tandis que Pierre Laurent rappelle que les communistes ont « vocation à gouverner ». Bref, la décision d’une participation gouvernementale sera prise « au lendemain des législatives ».

Sauf que Hollande (quel que soit le score du Front de Gauche) fera de toute façon la rigueur. Il ne le cache pas, il prend même ainsi le risque de perdre une élection qui semblait pourtant gagnée d’avance. Sarkozy, tout en dégainant un nouvel argument de campagne bien tordu, s’est ainsi fait, une fois de plus, le porte-parole du patronat : attention, « la sanction sera immédiate sur les marchés » ! C’est que la finance, et à travers elle tous les possédants, n’est pas bêtement électoraliste…

Alors ? Il faut nous aussi préparer notre troisième tour, social, lui ! Quel que soit le président élu, Sarkozy ou Hollande.

D’ailleurs, ces dizaines de milliers de gens qui sont allés non pas seulement, non pas bêtement, écouter Mélenchon, mais manifester à La Bastille puis à Toulouse, ils le savent, eux qui en pleine bataille électorale ont la joie de retrouver le geste de la manif. Mais bizarre ambiance, sur ces places de résistance et de lutte : c’est là que Mélenchon, transmuté en bizarre hybride de Mitterrand et Malraux, en a le moins parlé, des luttes, pour longuement gloser sur la future Constitution, la future République… au cas où, décidément, il serait élu président !

Pourtant, les sympathisants du Front de Gauche, ses militants, y tiennent, à ces exigences, martelées maintes fois par Mélenchon lui-même : arrêter d’une façon ou d’une autre les licenciements, rétablir la retraite à 60 ans à taux plein, titulariser les 800 000 salariés précaires de l’État, assurer la gratuité totale des soins, augmenter massivement le Smic, rejeter le nouveau traité européen d’austérité, rejeter toute politique d’austérité en général.

C’est ce combat qu’il faut préparer, y compris contre un gouvernement Hollande. Il y a cinq mois, le NPA proposait déjà une rencontre des organisations pour organiser le combat commun contre l’austérité (pas de réponse). Il y a plus d’un mois nous avons proposé de nous voir pour rendre possible une marche contre les licenciements, de toutes les boîtes où les travailleurs se battent pour leur emploi. Pas de réponse. Mais nous continuerons parce que c’est nécessaire. C’est l’esprit de notre campagne avec Philippe : une campagne qui voit plus loin que quatre tours électoraux et deux dizaines de députés. C’est cela aussi, le sens du vote Poutou !

Yann Cézard