Que se passe-t-il donc ? Voilà que des ministres, des responsables politiques, des patrons, des éditorialistes multiplient les hommages aux travailleurEs devant faire face à l’épidémie.Le ministre de l’Économie Le Maire demande la « reconnaissance de la nation » pour « un peuple qui aime le travail ». Dans les médias, les reportages se succèdent sur ces soignantEs, caissières, vigiles ou éboueurs qui se dévouent, fiers de leurs métiers.
Classe parasitaire
On ne peut pas croire un seul instant que ce monde de privilégiés découvre qu’il y a bien une classe sociale qui fait tourner la société, qui produit ce dont on a besoin tous les jours et qui fait fonctionner les services utiles socialement. C’est vrai qu’en ces temps de crise sanitaire, ce ne sont pas les actionnaires et les banquiers, ni les ministres, qui assurent le minimum vital. Ils s’arrêteraient de parler, le patron du Medef resterait dans sa résidence secondaire au Croisic que cela ne poserait aucun problème à personne. Terrible vérité. Mais en attendant, ces gens-là sont bien contents que d’autres prennent les risques au travail…
Non, rien ne change. Leurs félicitations, leurs remerciements n’enlèvent évidemment rien à leur mépris de classe. Et puis comment oublier qu’hier les mêmes réprimaient ou soutenaient la répression des grèves et des manifestations sociales ? Que celles et ceux qui se faisaient gazer ou tabasser hier, comme les soignantEs, sont applaudis aujourd’hui ?
Dans tous les cas, tout reste dans l’ordre des choses, et chacun est à sa place dans la société. Crise sanitaire ou pas, il y a ceux qui profitent et celles et ceux qui trinquent. Épidémie ou pas, le personnel soignant, les caissières, les éboueurs, les postierEs, toutes celles et ceux qui se lèvent tôt, comme on dit, s’abîment au travail, physiquement ou psychologiquement.
Illusion de maîtriser
Mais en ces temps très particuliers, le parasitisme des dominants et l’incapacité de leur système économique à protéger la population se révèlent plus clairement. C’est pour cela que le pouvoir doit donner l’illusion qu’il maîtrise quelque chose, qu’il gère la situation, en envoyant ses soldats au front et en lui donnant des médailles. Il espère que cela pourra calmer tout le monde et faire oublier le bilan déjà catastrophique de sa gestion de la crise, avec près de 25 000 décès, des personnes parmi les plus précaires complètement démunies et sous-alimentées, un système hospitalier saturé, nombre de gens pas soignés, du matériel de protection quasi inexistant, l’absence de dépistage de la population… cela fait fait beaucoup trop.
Alors leurs remerciements calculés ne devraient pas suffire. D’autant moins que le gouvernement n’abandonne pas sa morale de dominant et ses méthodes répressives à l’égard des quartiers populaires, des plus précaires ou des salariéEs contestataires. Le pouvoir veut bien admirer les travailleurEs et les pauvres, mais à la condition qu’ils et elles se taisent, qu’ils et elles souffrent en silence. Pour les autres, pour les inspecteurs qui veulent imposer aux patrons de respecter la santé des employéEs, pour les habitantEs qui osent mettre un banderole anti-Macron, pour des jeunes qui jouent au foot dans une cité, pour des syndicalistes postiers qui veulent s’assurer des conditions de travail correctes, ça intimide, ça frappe, ça met en garde à vue, ça emprisonne même parfois.
Eh oui, l’unité nationale, la solidarité, tant vantées par le gouvernement, ont trouvé leurs limites. Contrairement à ce qu’on nous dit, le monde d’après le confinement sera le même qu’avant, en plus brutal, en plus dur, à moins que touTEs les mépriséEs et félicitéEs du moment s’en mêlent vite.