Un compte en Suisse, Raymond Barre ? Stupéfaction parmi ceux qui se souvenaient de ce prétendu « grand serviteur de l’État », donneur de leçons sous des airs d’austérité et de sérieux. Mais la révélation du Canard enchainé n’en a pas été vraiment une pour les services de Bercy, Hollande et certains des patrons qui avaient soutenu Barre.
Giscard, alors président de la République, intronise Barre comme « un des meilleurs économistes de France » lorsqu’en août 1976 il le nomme Premier ministre. La France vient alors de subir la première grande crise économique internationale depuis la Seconde Guerre mondiale. La croissance est faible, le chômage monte, l’inflation est élevée. Barre, du point de vue de la bourgeoisie, est l’homme de la situation. Il a compris à sa façon que la question était celle du rétablissement du taux de profit qu’il résume ainsi, pour en rejeter la responsabilité sur les salariéEs : « La France vit au-dessus de ses moyens ». Il lance une politique d’austérité tous azimuts et de libéralisation avec comme objectif officiel la lutte contre le chômage et l’inflation. Il échouera sur ces deux plans mais réussira sur ce qui lui tenait vraiment à cœur : engager un tournant néolibéral. Au passage, il dénonce la fraude fiscale et annonce qu’il la combattra sans merci. En mars 1983, Mitterrand reprit la politique barriste. Et, au-delà des nuances secondaires, tous ses successeurs allaient continuer.
Après son passage au pouvoir, Barre conserva une réputation d’homme honnête doté d’une vision de la France. Même chez les politiciens de gauche. Voilà pour la vie publique.
Mais parallèlement, notre homme tissait sa pelote financière. Et c’est ce qui vient d’éclater avec l’affaire du compte secret en Suisse qui contenait quelque 11 millions d’euros. En fait, dès 1979, des rumeurs avaient commencé à filtrer à propos de sa villa du Cap-Ferrat : Barre piochait dans les « fonds secrets » mis à la disposition du Premier ministre. Ce que l’on sait aussi maintenant, c’est que dès la victoire de la gauche en 1981, Barre a donné l’ordre de verser en liquide ce qui restait desdits fonds : les sommes qui ont ensuite disparu auraient rejoint le compte suisse. Mais ce n’est pas tout : en 1986, les partisans d’une candidature de Barre en 1988 ouvrent un compte suisse et des grandes entreprises y versent discrètement leur obole : Bouygues, Castorama, Continent, Promodès… Après l’échec de Barre, il restait de l’argent. Qu’est-il devenu ?
En tout cas, dès 2013, le fisc et Bercy étaient au courant de l’existence d’un compte suisse et Hollande avait été informé. Donc, sans doute, Macron était également au courant. Mais plutôt que de dénoncer ceux qui appartiennent à leur monde, ces gens-là préfèrent s’en prendre aux chômeurEs et à ceux qui reçoivent le RSA !