Le 26 janvier la très ironiquement nommée « loi intégration » a été promulguée par Macron. Après son passage par le Conseil constitutionnel, près d’un tiers des articles ont été censurés, mais elle reste extrêmement grave.
Certains articles ont été jugés inconstitutionnels mais un grand nombre ont aussi été considérés comme des cavaliers législatifs, c’est-à-dire qu’ils n’avaient pas de liens avec le projet de loi initial. Le gouvernement pourra donc proposer certaines de ces mesures plus tard.
Le Conseil constitutionnel a censuré l’élargissement de la préférence nationale pour les prestations sociales, la suppression de l’automaticité du droit du sol ainsi que son durcissement en Outre-mer où il n’est déjà plus automatique, et le durcissement de l’obtention d’un titre pour une personne malade et pour les étudiant·es. Le Conseil a aussi bloqué de nouveaux motifs de déchéance de nationalité (qui existent déjà dans les faits).
Menaces institutionnelles de l’extrême droite
Le gouvernement a donc promulgué une loi sans les articles qui plaisaient à la droite et qu’il savait inconstitutionnels. Cela a bien évidemment déclenché une escalade de commentaires délirants de la part de ses dirigeants : Wauquiez a évoqué la possibilité que le Parlement puisse avoir « le dernier mot », après le Conseil constitutionnel. C’est d’ailleurs, sans ironie, la disposition que proposait Netanyahou l’an dernier avec sa coalition d’extrême droite. E. Ciotti a parlé de « coup d’État des juges ». Le message de Larcher, président du Sénat, a été sans équivoque également, parlant de changement de Constitution via un référendum sur l’immigration. Une disposition que l’extrême droite réclame depuis des décennies.
Il s’agit de la 29e loi sur l’immigration depuis 1980, qui décrit une politique générale de la « gestion » des personnes – essentiellement non blanches venant des ex-pays colonisés. Cette obsession, quasi pathologique, ne reflète pas seulement une volonté de diversion mais une volonté d’accroître le contrôle sur des populations déjà fortement stigmatisées. Cette insistance sur un sujet qui n’en est pas un – environ 300 000 personnes/an sur une population totale de 65 millions, soit 0,4 % de la population – permet en parallèle d’augmenter le racisme tout en renforçant la logique de contrôle policier et en permettant au patronat d’obtenir une main-d’œuvre dans des conditions d’extrême précarité.
Une loi censurée mais qui reste très dangereuse
La loi promulguée est un pas de plus dans ce sens. Malgré la censure, qui supprime des dispositions abominables, le reste de la loi est toujours un recul significatif et dramatique pour les droits et la dignité humaine.
D’une part, la stratégie du pouvoir a fonctionné car la loi équivaut au projet initial et a même été en partie durcie par le Sénat. Cette loi est une machine à précariser les étranger·es qu’ils ou elles soient détenteurs d’une carte de séjour ou non. Elle assimile les étranger·es à des délinquant·es et s’inscrit dans une continuité historique du tri des étranger·es. Elle touche tous les domaines du séjour des étranger·es, instaure de nouvelles restrictions de visa, limite l’accès à un titre de séjour de longue durée via un critère de langue qui va exclure environ 40 % des demandes et inclut de nouveaux motifs de refus. On constate également l’entrée de la loi séparatisme via l’imposition d’un contrat d’engagement des respects de la République.
Cette loi supprime les protections sur les attaches personnelles (attaches en France, enfants français, etc.) sur simple motif de trouble à l’ordre public, qui est une notion vague qui va permettre de justifier de nombreuses OQTF contre des personnes jusque-là protégées. La loi augmente aussi les durées de refoulement, qui peuvent atteindre 10 ans. La double peine est renforcée : toutes les condamnations pénales auront une OQTF sans droit de retour. La durée de l’OQTF est étendue d’un à trois ans, ce qui allonge l’assignation à résidence et multiplie les placements en centre de rétention. Pour le droit d’asile, il y aura un juge unique au lieu d’un collège.
Combattre la logique raciste
Il s’agit d’une nouvelle loi de criminalisation des migrants, leurs enfants actuels et futurs et pas une loi pour l’intégration. Le point, présenté comme un progrès, sur les métiers en tension, a été vidé de son caractère automatique et consacre le caractère utilitariste de la gestion des migrant·es, selon les besoins du patronat et pas comme personnes.
La loi immigration déclare assumer d’accueillir moins pour accueillir mieux. Mais c’est évidemment un mensonge grossier. Il s’agit de trier, criminaliser et précariser toute une population. La France a largement les moyens d’accueillir dignement les personnes qui le souhaitent. Nous devons refuser la logique de tri aux frontières et toutes les dispositions qui en découlent sur le séjour. Les rares droits continuent d’être attaqués, il est vital de développer la résistance et ne pas laisser s’installer le racisme.