Dans un discours à Tourcoing le 14 novembre, Macron a dévoilé son « plan » pour les quartiers populaires.
« Je vais développer les services publics, et d’abord ceux de l’éducation et de la santé, avec plus de moyens, plus de personnels ; je vais lutter contre les discriminations avec d’abord des mesures simples demandées par beaucoup d’associations, le récépissé pour lutter contre les contrôles au faciès, les CV anonymes ; je vais arrêter de démolir des immeubles en bon état (et donc de chasser leurs habitantEs loin des centres-villes), je vais lancer très vite de très nombreuses constructions de logements vraiment sociaux, et je vais favoriser l’accès au logement des demandeurEs Dalo ; je rétablis les APL et je m’engage à stopper la spéculation en bloquant/baissant les loyers dans le secteur privé ; je renonce à supprimer les emplois aidés qui aident tant les associations ; il faut donner la parole et des moyens d’actions aux habitantEs et aux militantEs des quartiers. »
Un discours creux mais mortel
Ça, c’est le discours qui n’a pas été tenu. Pour le vrai discours, du creux, mais mortel comme toute sa politique : engager une « mobilisation nationale », pour qu’il n’y ait « pas seulement la rénovation urbaine mais la rénovation morale » ; « ramener le droit commun dans les quartiers » ; favoriser « l’émancipation des habitants », leur « mobilité » à la fois physique et « dans les esprits » ; créer un « conseil présidentiel » constitué de figures des quartiers populaires qui ont « réussi ». Oui, ils sont encore là, « ceux qui ont réussi et ceux qui ne sont rien » parce que comme le dit Renaud Epstein au Monde : « [Macron] privilégie l’égalité des chances plutôt que la réduction des inégalités de situation ».
Il n’y a quasiment qu’une seule mesure concrète annoncée, les « emplois francs », qui consiste à donner une prime… aux patrons ! 15 000 euros pour l’embauche en CDI d’un habitant d’un quartier listé dans la « politique de la ville », 5 000 pour un CDD de 6 mois. Et si ça n’a pas marché par le passé, c’est qu’il y avait « trop de règles » (trop de protection des salariéEs ?). Citons aussi le « plan national pour le permis de conduire », qui demande aux collectivités locales de financer le permis pour tous les jeunes de ces quartiers. Premier bug : l’État diminue ses dotations à ces collectivités et leur demande de financer son « plan national » ?
Arrêter toutes les autres « réformes » ?
Autre bug massif : Macron parle de « retour des services publics », école, santé, crèches… Bien, mais pour le faire, il n’y a qu’une solution : arrêter toutes les autres « réformes » ! Sinon, qui va rouvrir le bureau de poste, qui ne va pas fermer l’hôpital, la PMI ? De la même façon, Macron prétend lutter contre les discriminations à l’embauche avec les inspecteurEs du travail qui devront « traquer et pénaliser » les entreprises qui discriminent – inspecteurEs qui subissent une baisse des effectifs et des moyens (et qui sont condamnés par la justice quand un patron n’est pas content d’être « traqué »).
Et concernant les bibliothèques qui devraient ouvrir le dimanche, qui va embaucher les personnels supplémentaires (sans parler bien sûr du travail du dimanche) ?
Pas un mot sur les allocations logement, alors que Macron veut développer l’ANRU et que les bailleurs sociaux refusent de lui donner leurs indispensables financements.
Mais il a annoncé le maintien de 200 000 emplois aidés pour 2018 (il y en avait 310 000 en 2017), annonce sans doute indispensable puisque, pour citer l’exemple d’une des manifestations hostiles pendant l’un de ses précédents déplacements, sur les six salariéEs de l’association des femmes d’un quartier de Saint-Denis (apprentissage linguistique, garderie, activités culturelles…), cinq sont des emplois aidés, deux sont déjà supprimés, deux sont en passe de l’être…
Peu de manifestations sur son passage dans le Nord : il faut dire qu’après sa première visite en banlieue, à Gennevilliers, gâchée par une manif de la CGT qui avait paniqué les flics, ces derniers réagissant avec une grande violence, des mesures ont été prises : des journalistes ont parlé de barrières créant un climat d’état de siège.
Isabelle Guichard