« Marine Le Pen, premier adversaire de François Hollande selon les Français » titrait en Une le Journal du Dimanche, prenant appui sur un sondage Ifop et publiant une longue interview de la présidente du FN. Sans être dupe de ces mises en scène, l’hypothèse que Marine le Pen puisse être au second tour en 2017 et l’emporter devient un fait politique qui suscite une très légitime inquiétude.
Interrogé sur cette question, Hollande n’a pas trouvé mieux que de répondre : « Qui pouvait imaginer dans les années 1930 ce qu’il pouvait se passer, sans faire de comparaisons trop hasardeuses ? [...] J’ai une responsabilité ». La comparaison est hasardeuse, mais la chose vraie dans les propos de Hollande, c’est sa responsabilité, vraie mais désinvolte et cynique. Désinvolte parce qu’il comprend que c’est sa politique au service du Medef qui nourrit la montée des forces réactionnaires. Cynique parce qu’il s’apprête à refaire ce qu’avait fait Mitterrand en 1986 : introduire une part de proportionnelle pour les élections législatives dans le seul but de mettre la droite en difficulté.
Sur les terres de la gauche...Ces petites manœuvres institutionnelles sont le complément d’une politique réactionnaire dont la droite extrême et l’extrême droite n’ont qu’à ramasser les bénéfices électoraux.Cette rente électorale assurée laisse à Marine Le Pen le champ libre pour tenter de s’attirer un électorat de gauche révolté par la politique du PS. Elle ne craint pas de se prêter au jeu de l’amalgame des extrêmes qui se rejoignent, profitant des attaques étonnantes de Sarkozy : « Marine Le Pen est d’extrême gauche, son programme économique est celui de Jean-Luc Mélenchon. »Elle cultive elle-même l’ambiguïté en déclarant dans l’entretien au JDD que l’extrême gauche faisait « de bons constats » mais qu’ils n’allaient pas « au bout de [leur] logique ». Elle cherche ainsi à flatter un électorat de gauche désorienté, entretient la confusion, et se donne une image dégagée de celle du père pour capter les sympathies d’un électorat qui ne se reconnaît absolument pas dans l’extrême droite.Cette confusion des genres n’est pas nouvelle. Depuis son accession à la tête du FN en janvier 2011, Marine Le Pen n’a de cesse d’insister sur les thématiques économiques et sociales, plaidant pour un « État fort » contre une « mondialisation ultralibérale »,« une guerre des élites contre le peuple ». Mais elle a beau pourfendre les « grands patrons », les « oligarques » et les « entreprises du CAC 40 qui font de superprofits », elle le fait au nom d’un populisme qui ignore la lutte de classes.
Pour défendre le capitalisme !Elle ne conteste pas le système, la domination de la bourgeoisie, les inégalités sociales, bien au contraire : « Nous ne remettons pas en cause l’économie de marché, ni les bienfaits de la concurrence si elle est loyale », explique Marine Le Pen qui ne rêve que de les servir en maniant la démagogie « patriotique » contre le prétendu capitalisme « sans frontière » pour défendre la « restauration de la souveraineté ».Pariant sur l’approfondissement de la crise de l’Union européenne, elle prétend arriver au pouvoir portée par la régression sociale et politique pour mieux soumettre les travailleurs à la course à la compétitivité et à la concurrence mondialisée. L’extrême droite ou les mouvements fascistes ont toujours utilisé la démagogie nationale et sociale pour duper, embrigader les masses et briser le mouvement ouvrier. Ce dernier ne peut compter que sur lui-même, sa capacité à unir ses forces, à s’organiser, à se mobiliser pour défendre ses droits démocratiques et sociaux.
Yvan Lemaitre