Publié le Mercredi 3 décembre 2025 à 17h00.

Narcotrafic : Quelle réponse de gauche à la violence du crime organisé ?

Le meurtre de Mehdi Kessaci symbolise l’impasse de la « guerre à la drogue », qui frappe les quartiers populaires sans enrayer le crime organisé. Alors que le pouvoir veut durcir encore la répression, il est urgent d’ouvrir une voie sociale, démocratique et antiraciste pour briser cette logique mortifère.

Le meurtre de Mehdi Kessaci le 13 novembre 2025 a rappelé ce que vivent tant de familles frappées par le crime organisé. Mehdi était le frère d’Amine Kessaci, militant écologiste, fondateur de l’association Conscience. Sa mort a bouleversé Marseille. Nous tenons d’abord à dire à Amine, à ses proches et à toutes les victimes directes ou indirectes du narcotrafic : vous n’êtes pas seulEs.

Impasse de la répression

Mais répondre par un discours toujours plus répressif est une impasse. Depuis des décennies, la « guerre à la drogue » n’a ni freiné les trafics ni protégé les habitantEs. Elle a surtout renforcé la répression dans les quartiers populaires, le ciblage raciste des violences policières, tout en laissant prospérer les circuits financiers du crime organisé, parfaitement intégrés au capitalisme globalisé. Ce sont toujours les mêmes territoires — racialisés et marginalisés — qui servent de laboratoire aux durcissements policiers et judiciaires.

Le gouvernement, la droite et l’extrême droite prétendent aujourd’hui « reprendre le contrôle » en multipliant lois d’exception, technologies ­intrusives, peines automatiques ou prisons de haute sécurité. Cette stratégie a échoué partout : elle ne fait qu’aggraver la violence, nourrir les règlements de comptes et fracturer davantage les quartiers déjà sinistrés. Elle vise à dissimuler les causes structurelles du narcotrafic : pauvreté organisée, chômage massif, absence de perspectives d’avenir, démantèlement des services publics et flux d’argent sale.

Quelle réponse pour la gauche révolutionnaire ?

D’autres voies existent. Elles passent d’abord par l’abrogation immédiate de la loi de 1970 qui régit la politique des drogues en France, la fin des politiques répressives, une politique de santé publique à la hauteur des enjeux : prévention, réduction des risques, contrôle de la qualité des produits et prise en charge médico-sociale des usages ­problématiques de drogues.

Pour sortir de la spirale mortifère actuelle, les conditions minimales sont la dépénalisation de l’usage de l’ensemble des produits psychoactifs et leur légalisation (c’est-à-dire la vente sous contrôle de l’État, à commencer par le cannabis), la lutte contre les circuits financiers criminels et le développement de services publics dignes dans les quartiers populaires. 

Et pour que la légalisation soit aussi une réparation, nous pourrions nous inspirer des expérimentations en cours dans l’État de New York, où une partie des licences légales de vente de cannabis sont réservées à ceux-là mêmes qui étaient le plus condamnés pour trafic, les ex-dealeurs membres des communautés racisées noires ou hispaniques.  

Nous nous joignons à l’appel à une révolte durable et collective lancé par Amine Kessaci. Défendre nos vies, nos quartiers, notre dignité exige une rupture avec les politiques de guerre intérieure. Ils ne pourront pas « tuer tout un peuple » si ce peuple se lève ensemble.

La réponse doit être sociale, démocratique et antiraciste : le crime organisé prospère toujours sur le terreau de l’injustice et des inégalités. C’est bien la lutte pour en finir avec le système capitaliste et ses ravages qui permettra de réellement rouvrir des perspectives, changer les imaginaires, sortir de la logique du chacunE pour soi et de la concurrence violente, donner confiance dans la coopération, la mise en commun et l’égalité.

Olivier Lek Lafferrière et Alex Bachman