Le 17 septembre, le gouvernement a présenté à Marseille, ville particulièrement touchée par les règlements de comptes liés au trafic, son « Plan national de lutte contre les stupéfiants ». Dès l’intitulé on peut se douter qu’il y est assez peu question de prévention mais uniquement de répression, comme si la consommation de produits psychoactifs ne répondait pas à une demande sociale, dans une société qui va mal.
Ce plan, décliné en 55 mesures, répond à différentes préoccupations : d’abord liquider l’OCTRIS, l’organisme chargé depuis 1953 de la lutte antidrogue, complètement décrédibilisé par divers scandales de « livraisons surveillées », en clair par ses liens très étroits avec certains acteurs du trafic, qui ont notamment valu à son ancien patron, le commissaire François Thierry, d’être mis en examen pour association de malfaiteurs, complicité de trafic de stupéfiants et faux en écriture publique.
Il fallait donc tourner la page et également tenter de mettre fin aux perpétuelles rivalités des différents acteurs institutionnels : police, gendarmerie, douanes et magistrature. D’où la présence à Marseille des ministres de tutelle de ces administrations, Castaner, Belloubet et Darmanin.
« Renforcement des services et unités chargés de la répression »
Exit l’OCTRIS, vive l’OFAST, jeu de mot douteux faisant référence aux « go fast », voitures rapides utilisées pour convoyer le cannabis depuis l’État espagnol. Doté de 150 agents, la mission de l’OFAST est de coordonner la lutte contre le trafic, elle intègre des agents des quatre administrations et sera dirigée par une représentante de l’Intérieur, secondée par un magistrat.
D’autres mesures techniques viennent compléter ce plan « antistup » dont la philosophie générale est résumée dans sa mesure 49 : la « mise en œuvre d’un plan pluriannuel de renforcement des services et unités chargés de la répression ».
Pour démontrer au grand public que le gouvernement est inflexible en matière de répression et à l’écoute des populations des quartiers où se déroulent la plus grande part du trafic visible, deux mesures sont mises en avant : la création d’une plateforme anonyme permettant de signaler à la police un point de deal, et la systématisation des mesures d’éloignement des personnes condamnées pour trafic : interdictions de paraitre et expulsions locatives sont au menu, ainsi que la reconduite à la frontière pour les étrangers sans-papiers, dans une tentative sordide de lier trafic et immigration.
Plan inutile et inefficace
Ce plan est inutile et inefficace pour au moins deux raisons. D’une part la « guerre à la drogue » a échoué partout dans le monde. Comme l’a reconnu l’ONU à plusieurs reprises, la politique répressive n’a fait que générer une adaptation de plus en plus efficace des réseaux criminels, leur internationalisation, une augmentation des consommations, des décès par overdose et les atteintes aux droits humains.
La déclinaison française de cette politique, permise par la loi de 1970 sur la « répression de la toxicomanie et du trafic » a mené à une catastrophe sanitaire, enfermant des dizaines de milliers d’usagerEs d’héroïne dans les années 1980-1990, causant au bas mot 15 000 à 20 000 décès liés au sida, faute d’accès à un matériel stérile avant 1987. Le grand absent de ce plan, c’est bien la prévention, malgré l’annonce d’une campagne de prévention sur les risques sanitaires et judiciaires liés aux consommations.
Enfin ce plan laisse les habitantEs des quartiers populaires seuls entre les dealers et la politique répressive : les mobilisations pour éloigner les points de deal, portées par les mères de famille, qui ont lieu à Saint-Denis ou Argenteuil ne sont absolument pas soutenues.
Par ailleurs ce sont des jeunes issus de ces quartiers, n’ayant pas accès au monde du travail, qui deviennent les petites mains du trafic et qui sont victimes des règlements de comptes de plus en plus violents, à Marseille et ailleurs.
La seule politique efficace serait d’abroger immédiatement la loi de 1970, dépénaliser l’usage, quel que soit le produit, laisser aux usagerEs la possibilité d’avoir sur eux leur consommation personnelle, comme c’est le cas au Portugal, mettre en place en premier lieu pour le cannabis un marché sous contrôle de l’État garantissant la qualité sanitaire des produits, à un prix permettant d’assécher le marché noir. Mais pour cela il faudrait un peu de courage politique et sortir des postures uniquement répressives.
Correspondant