Publié le Jeudi 26 décembre 2024 à 17h30.

Procès Lafarge contre les écolos : une dérive autoritaire de la justice

En avril 2024, 17 personnes ont été interpellées pour avoir prétendument participé à une action de « désarmement » de l’usine Lafarge à Val de Reuil. Après des jours de garde à vue par la section antiterroriste (SDAT), huit furent relaxées. Les 19 et 20 décembre, les neuf autres comparaissaient devant le tribunal d’Évreux. 

Les arrêtés d’interdiction de la mairie et de la préfecture ayant été déboutés, plusieurs centaines de soutiens dont des militantEs du NPA-l’Anticapitaliste d’Alençon, Évreux, Louviers, Rouen, Le Havre et Paris se sont rassembléES au plus près du tribunal.

Au terme de ces deux jours, 5 sont relaxéEs (mais 3 écopent de 400 euros d’amende pour refus de signalétique), les 4 autres, dont 2 du NPA-l’Anticapitaliste, écopent de 6 et 10 mois de prison avec sursis. Cette condamnation ouvre sur l’audience au civil concernant les demandes de dommages et intérêts que Lafarge a estimés à 450 000 euros. Si l’accusation de séquestration est rejetée pour tousTEs, l’association de malfaiteurs est retenue. Si le dossier accumule les erreurs de procédures et les pièces rejetées, l’objectif pour le pouvoir est atteint : faire un symbole et criminaliser les militantEs écologistes, les intimider et diviser leurs soutiens. 

L’antiterrorisme contre les militantEs 

On le sait depuis Sivens et Sainte-Soline, en passant par Notre-Dame-des-Landes et Bure, la répression s’abat de plus en plus violemment pour faire mal, faire peur et dissuader de participer aux luttes écologistes. Comme l’a rappelé Olivier Besancenot ­présent le 19 décembre dès 8 heures devant le tribunal d’Évreux, le terme « écoterrorisme », inventé par Darmanin, ne sert qu’à justifier l’emploi de l’arsenal antiterroriste pour réprimer les mobilisations ­écologistes. 

Pourtant, c’est bien Lafarge qui repassera en jugement fin 2025 pour avoir financé l’État islamique et le terrorisme. Et là, pas de SDAT pour Lafarge. Lors des tables rondes, l’avocate Marie-Laure Guislain, membre de l’asso Sherpa1, autrice du livre Le libéralisme va t-il mourir, comment faire pour que ça aille plus vite ?, a rappelé que la condamnation de Lafarge pour maltraitance de travailleurs syriens avait ouvert une jurisprudence sur le « devoir de vigilance des multinationales » par rapport aux droits humains. Joël de Bure et deux autres militantEs d’autres affaires, tous trois encore en procès, ont largement montré les méthodes inquisitoriales, de surveillance, de perquisitions répétées, d’interrogatoires musclés, d’intimidation qui ont cours aujourd’hui. 

Cathy Billard est intervenue pour le NPA-l’Anticapitaliste sur le contexte politique de la criminalisation des militantEs écolos, syndicaux, du soutien aux PalestinienNEs, mais aussi des jeunes des quartiers ­populaires.

Less béton !

Le béton impliqué dans la crise climatique (8 % des émissions de gaz à effet de serre) est utilisé davantage pour la fabrication de profits pour les cimentiers qu’à des fins socialement utiles.

Un chercheur a expliqué que le béton qui se dégrade dans le temps, nécessite une maintenance qui n’est pas faite sur les immeubles. À terme, il faut donc les démolir et reconstruire (programmes ANRU). Un gâchis énorme. De plus, comme l’a exposé Jean-Michel Basset, élu local, cette industrie extractiviste (granulats, sable) mite les territoires, comme la vallée de la Seine, laissant des carrières qu’il faut remblayer, par exemple avec les gravats du Grand Paris ! Au nom des loisirs (pêche, promenade...) des carrières restent dans le paysage. La bétonisation croissante est à stopper. À commencer par l’arrêt des projets routiers. Comme l’a rappelé Sophie Ozanne, les autoroutes et la logique du tout-béton conditionnent l’organisation et l’occupation des espaces. Maintenir 10 % du territoire en « protection forte », c’est une orientation politique différente que de développer les zones de logistique.

Et maintenant ?

Le NPA-l’Anticapitaliste continuera à s’impliquer dans les luttes écologistes et sera bien sûr aux côtés des camarades condamnéEs pour la suite. La lutte continue.

CorrespondantEs

  • 1. Sherpa : asso d’experts, d’avocats...qui défendent les victimes des crimes économiques.