Dans l’histoire des programmes électoraux du Parti socialiste, la modération extrême de celui-ci retient l’attention. Il cristallise un mouvement long d’adaptation du PS au système capitaliste et sa transformation en parti d’alternance. Au prix du renoncement à réduire les inégalités. Où sont donc passées les classes populaires dans les préoccupations d’un parti qui se dit de gauche ? Aucune mesure ne s’attaque aux fléaux sociaux qui touchent la société française : aucun projet de revalorisation des revenus du travail, aucun réengagement dans des services publics aujourd’hui cassés et privatisés, aucune mesure phare contre le chômage de masse (4,5 millions de sans-emploi). On se rappelle des 35 heures du programme de la future gauche plurielle de 1997, comme d’archéologie car on serait en peine de trouver ne serait-ce que le mot de réduction du temps de travail parmi les mesures envisagées. L’annonce du blocage des loyers, du plafonnement du salaire des PDG – mais uniquement dans le public – font pâle figure tout comme les emplois-jeunes, qui ne sont que des emplois précaires ne débouchant pas sur une embauche en CDI. L’allocation d’autonomie, vieux serpent de mer instrumentalisé le temps d’une élection pour être immédiatement vidée de son sens, n’est ni prévue pour l’ensemble des jeunes en formation ni financée, et son calendrier d’application n’est pas fixé ! En matière de créations d’emplois d’ailleurs, la priorité est clairement donnée à la police nationale (10 000 postes), alors que l’Éducation nationale devra se contenter de redéploiement d’emplois. Quant à la loi sur les retraites qui a mobilisé des millions de grévistes et de manifestants à l’automne dernier, on ne trouve aucune trace de son abrogation. La possibilité légale de partir à 60 ans est rétablie, mais Martine Aubry a réaffirmé l’engagement du PS en faveur de l’allongement de la durée de cotisation ! Tandis que Dominique Strauss-Kahn, qui trouvera peu de mesures contraignantes du point de vue « FMI », s’est prononcé en faveur d’un allongement supplémentaire de l’âge légal de départ à la retraite. Rien non plus sur une autre répartition des richesses, l’augmentation générale des salaires alors que les profits des grosses entreprises ne cessent d’augmenter, ni sur la régularisation de tous les sans-papiers. Pour tout le reste, c’est la continuité d’une politique de compétitivité qui implique austérité pour la population et cadeaux au patronat, avec la baisse de l’impôt sur les sociétés. Ce qui a le mérite de la cohérence. Faire payer l’addition aux peuplesEn France, comme dans toute l’Union européenne, dans les gouvernements comme dans les institutions internationales, les socialistes mettent en œuvre la même politique que la droite : faire payer la crise aux populations par des plans d’austérité, par une remise en cause constante et planifiée des droits sociaux acquis, de l’accès aux services publics. D’ailleurs la réduction de la dette et des déficits figure au frontispice social-démocrate. Et sur ce point tout est dit : priorité au rétablissement du capitalisme et purge pour la population. Sur le même sujet pas un mot sur la dette des peuples du Sud à commencer par celle des peuples qui se soulèvent au sud de la Méditerranée ! Frappé par la catastrophe de Fukushima, le lecteur peut s’attendre à une remise en cause du choix nucléaire auquel participe le PS (et d’ailleurs également le PCF). Au-delà de vagues promesses sur la sortie du « tout nucléaire » mais pas du nucléaire, on pourra lire un passage vantant la qualité technique et économique du nucléaire français ! Ce programme est sans doute le plus à droite dans la perspective d’une campagne présidentielle. Il est totalement compatible avec le fonctionnement d’une société capitaliste. Il prépare la voie d’une alternance douce, qu’une bourgeoisie lassée du tumulte et du fracas sarkozystes, pourrait tout à fait endosser. La nécessité d’un rassemblement anticapitaliste, indépendant du PS et de son programme, n’en est que plus grande.
Pierre-François Grond