Publié le Lundi 23 mai 2022 à 17h00.

Quand les quartiers « s’en mêlent »

Le 8 mai dernier s’est tenue la deuxième assemblée nationale des quartiers à Stains dans la banlieue nord de Paris. Cette assemblée était appelée par le collectif « On s’en mêle » créé dans les mois précédant l’élection présidentielle – début mars. Le collectif « On s’en mêle » est issu d’un appel signé par une centaine de représentantEs des quartiers dits populaires et aussi beaucoup de figures historiques des mobilisations de ces quartiers, par exemple des organisateur/ices de la Marche pour l’égalité, du MIB (Mouvement de l’immigration et des banlieues) ou encore autour du groupe Zebda).

 

L’appel « On s’en mêle » part du constat que les organisations de gauche ne prennent pas en considération les questions spécifiques aux quartiers et qu’il convient de s’organiser soi-même en toute indépendance. Même si cette constatation n’est pas nouvelle, il y a déjà eu un grand nombre d’initiatives politiques dans les quartiers des 30 dernières années : il y a un changement pour « On s’en mêle » car même si l’indépendance vis-à-vis des organisations classiques de la gauche est revendiquée, il y a une volonté de participer politiquement avec ces organisations. Notamment, l’appel « On s’en mêle » est un soutien explicite à la candidature de Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle, un appel à voter et à faire voter. Dans une vision plus générale, les actrices et acteurs de OSM ont vu que dans la dynamique de la campagne de JLM se développait une modification dans la gauche et le collectif se donne pour objectif « la volonté qu’au-delà des élections, la place des acteurs et actrices des quartiers sera pleine et entière dans la recomposition du paysage politique à venir. »

Bilan des élections

Se démarquant de la tradition « citoyenne » des mouvements de banlieues précédents, mouvements qui ne souhaitaient pas être récupérés, instrumentalisés par les organisations politiques, le collectif OSM a exprimé, via Omar Slaouti  – militant historique sur Argenteuil – « les quartiers populaires sont des quartiers politiques ». Le bilan tiré par le collectif est que le haut score de JLM est dû à l’implication des quartiers de banlieue des grandes villes de France, en témoignent les scores très élevés dans ces villes de banlieues, à Stains notamment (plus de 60% des votes). Mais rien que la Seine Saint-Denis représente à elle seule 3,4 % des votes pour JLM nationalement. L’un des premiers constats est que la dynamique UP a donc été portée en partie par le mouvement des quartiers populaires. À l’inverse, le vote pour JLM – décrit comme « musulman et communautariste » par la droite notamment, est assumé : JLM n’a pas participé à la manif de flics et a soutenu la manifestation contre l’islamophobie de novembre 2019. Rétrospectivement ces deux évènements ont créé une ligne de démarcation politique qui a inclus La France insoumise à côté d’autres organisations d’extrême gauche. Il y a un vote antiraciste et un vote contre l’islamophobie, oui mais pas seulement : pour plusieurs intervenantEs, il s’agissait aussi d’un vote de classe : les travailleurs/ses des quartiers ont aussi besoin de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail, de la retraite à 60 ans et évidemment des services publics. Une des revendications comme l’abandon de Parcoursup a été reprise : la plateforme de vœux universitaires (combattue en 2018 par les étudiantEs) est en effet une machine à créer de la ségrégation des quartiers et à boucher l’horizon académique de centaines de milliers de jeunes.

Questions des législatives

La discussion s’est orientée sur les législatives notamment pour critiquer le manque de représentation des quartiers populaires dans la NUPES. Il y a notamment beaucoup de colère et d’amertume qui s’est exprimée sur les candidatures comme Aly Diouara, porte-parole de l’association « Seine-Saint-Denis au cœur », qui se présente d’ailleurs indépendamment aux législatives : « Les quartiers populaires ont voté pour Mélenchon, non pas pour l’élire mais pour opérer un vote de rupture ! ». Il estime à moins de 2 % les candidatures issues des quartiers dans le processus NUPES. Un autre exemple mis en avant par beaucoup de monde est la mise à l’écart du maire de Stains (Azzedine Taïbi, présent dans la salle) qui n’a pas reçu l’investiture de la NUPES malgré son implication dans le Parlement de l’Union populaire (il se présente quand même aux législatives). Enfin, Rachel Kéké est intervenue pour déclarer qu’elle était candidate pour porter la voix des travailleurs – « nous c’est la lutte » – aux élections où elle sera candidate dans le Val-de-Marne.

OSM a proposé trois candidatures à la NUPES. Une seule a été investie, celle d’Abelkader Lahmar dans la 7e circonscription du Rhône. Même si beaucoup ont été déçus et si plusieurs candidatures implantées et issues des quartiers ont été évincées, la plupart dressent un bilan de faiblesse politique dans les batailles au sein de la NUPES et s’engagent à continuer à soutenir le mouvement et à s’imposer plus fortement dans les prochaines échéances.

La suite

D’après Omar Slaouti, « Les élections ne sont pas l’alpha et l’oméga de “On s’en mêle” » et, même si il y a la volonté de continuer après celles-ci en structurant un mouvement des quartiers, il reste un énorme flou sur les contours politiques et les structurations de ce mouvement politique ainsi que son impact futur. L’énorme nouveauté qu’a été le soutien à Mélenchon et le fait qu’il y aura à des candidatures déclarées faisant partie de la NUPES est un positionnement politique important. Pour l’instant, l’assemblée générale a plus ressemblé à une importante réunion de prise de contacts à travers la France de collectifs qui travaillent sur des questions différentes et à l’expression des différents avis sur les stratégies qui pourront se développer dans les prochains mois.

Pour autant, pour le Nouveau Parti anticapitaliste, l’important sera de suivre et de s’impliquer dans les différentes actions impulsées par ce collectif. En effet, il y a fort à parier que les prochaines échéances de la lutte antiraciste et contre les violences policières passeront nécessairement par ces organisations et il sera central pour les révolutionnaires de se lier politiquement et fraternellement et ne pas rester sur le côté. Il est aussi évident d’étudier la question de la possibilité de construire ces mobilisations en participant directement à la construction de « On s’en mêle ». Notamment nous pouvons commencer autour des élections législatives. La dynamique de l’Union populaire, avec toutes les réserves qu’on peut lui poser en termes d’ambition politique, peut permettre d’impliquer largement des couches plus larges de personnes se trouvant dans les quartiers populaires et souhaitant des transformations importantes de leur cadre de vie, de leur travail et de leurs interactions avec la police et l’État… Les discussions au niveau local dans les collectifs dans les villes de banlieue montrent qu’une nouvelle couche de militantEs seront partie prenante de la recomposition qui s’opère actuellement au sein de la gauche française. Les militants révolutionnaires doivent en faire partie !