Publié le Mardi 9 mars 2021 à 12h46.

Sciences Po Grenoble: malgré les intimidations, nous ne renoncerons pas à lutter contre l’islamophobie 

Depuis le jeudi 4 mars, l’extrême droite et la droite s'acharnent sur lUNEF Grenoble. Le prétexte est le fait que le syndicat ait publié des images dun collage dénonçant le sexisme à lIEP et des propos islamophobes.

La polémique remonte à la préparation en novembre d’une « Semaine de l’égalité » organisée à l’IEP lors de laquelle des enseignants ont empêché la tenue d’un séminaire sur le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie, organisé par une de leur collègue. Ils voulaient lui imposer de retirer le terme islamophobie des thématiques abordées. 

Propos et comportements islamophobes

Le déferlement de mails ayant abouti à cette entrave qualifiaient le terme islamophobie d’« arme idéologique dans une guerre mondiale menée par des "Fou de Dieu" » et amalgamaient islam et terrorisme : « Si vous me dites que les terroristes se trompent et que ce nest pas lIslam alors pourquoi ny a-t-il pas des millions de musulmans dans la rue pour le crier haut et fort immédiatement après chaque attentat ? ». Enfin dans un mail adressé le 25 février à touTEs les étudiantEs d’un cours de Sciences Po, on pouvait lire : « Je demande à tous les étudiants qui appartiennent au syndicat dit "Union syndicale" [le syndicat qui avait révélé les propos islamophobes] de quitter immédiatement mes cours et de ne jamais y remettre les pieds »

Ainsi, des enseignants ont empêché la tenue d’un séminaire portant sur l’islamophobie, proférant des propos islamophobes et excluant de leurs cours les étudiantEs pour leur appartenance syndicale. Ils ont aussi gravement porté atteinte à la liberté académique d’une enseignante-chercheuse, dénigrant le résultat de ses recherches par leurs opinions personnelles. La direction de l’IEP, prévenue de leurs agissements, ne les a nullement condamnés et a laissé la situation dégénérer, n’apportant aucun soutien à l’enseignante-chercheuse, ni aux étudiantEs heurtés par les propos islamophobes et anti-syndicaux.

Instrumentalisations

Les collages du 4 mars apparaissent ainsi dans ce contexte extrêmement dégradé, où les libertés académiques et syndicales ont été bafouées, et où les propos islamophobes se multiplient. Malgré la gravité de ces actes, l’UNEF Grenoble a rapidement choisi de retirer de ses réseaux les images du collage dénonçant ces propos afin de ne pas heurter des personnels de l’établissement. La droite et l’extrême droite ont cependant persisté à diffuser ces images tout en instrumentalisant la mort atroce de Samuel Paty afin d’accuser le syndicat étudiant de mise en danger de la vie des enseignantEs. Loin de défendre une liberté d’expression qu’ils ont particulièrement restreinte en votant les lois « sécurité globale » et « séparatisme », ces personnalités cherchent à censurer les dénonciations des propos islamophobes. Le gouvernement, qui ne cesse d’utiliser la rhétorique de l’extrême droite contre les musulmanEs, multiplie également les condamnations. Enfin, le procureur de Grenoble, Éric Vaillant, a annoncé l’ouverture d’une enquête pour « injure publique envers un particulier par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique » et « dégradation ou détérioration légère de bien ».

« Islamo-gauchisme », encore et toujours 

L'un des ressorts de cette la campagne de la droite réactionnaire et de l'extrême droite consiste à condamner ceux et celles qui s’opposent à l’islamophobie et aux amalgames racistes en usant du qualificatif « islamo-gauchiste ». Cette manœuvre qui attribue une co-responsabilité du terrorisme aux organisations syndicales et progressistes vise en réalité à renforcer les logiques de ségrégation raciste. En cela le gouvernement, et particulièrement les ministres Blanquer et Vidal, portent une lourde responsabilité après avoir repris à leur compte le terme « islamo-gauchisme » à de très nombreuses reprises ces derniers mois.

Enfin cette polémique se situe dans un contexte de dénonciation des violences sexuelles et sexistes autour du hashtag #SciencesPorcs lors duquel au moins un témoignage de viol, ainsi que plusieurs témoignages d’agression ou de harcèlement commis par des étudiants de l’IEP sur des étudiantes, et non traités par la direction de l’IEP, ont été publiés.

Solidarités et riposte

Ces syndicalistes étudiants ont rempli leur rôle de défense des intérêts matériels et moraux des étudiantEs : dénoncer tout discours discriminant et se battre pour une université ouverte à toutes et tous. Nous les soutenons, de nombreuses personnes ont déjà été victimes d’agressions racistes ou islamophobes, et c’est pour cela que nous ne pouvons laisser ces idées réactionnaires s’étendre. Nous restons également attentifs aux risques de poursuites judiciaires, nous refusons que des étudiantEs soient poursuivis pour avoir dénoncé ces propos. Nous devons enfin poursuivre la mobilisation face aux réactionnaires et face aux discriminations dans nos lieux d'études comme dans nos lieux de travail et dans le reste de la société ! 

Les nombreux soutiens (#SoutienUnefGrenoble), comme le communiqué unitaire des organisations syndicales de personnels et d'étudiantEs du campus, sont une première étape dans la riposte qu'il faut construire contre l'extrême droite, l'islamophobie et le racisme ainsi que pour la défense des libertés individuelles et collectives. Il en va de la responsabilité des organisations de notre camp social.

La manifestation étudiante contre la précarité et pour la réouverture des facs du 16 mars (12h départ CROUS de Grenoble) et la manifestation unitaire contre le racisme et l’islamophobie le 21 mars (14h départ MC2) sont des étapes importantes pour exprimer à une échelle de masse la solidarité et la riposte face aux réactionnaires de tous bords.