Publié le Mercredi 22 mai 2019 à 11h15.

Sur fond de crise autrichienne, les extrêmes droites en meeting à Milan

Alors que tout semblait si bien engagé, un intrus est venu quelque peu gâcher la fête. Un intrus venu du froid, un peu comme l’espion dans certains mauvais films. Il s’agit d’un scandale russo-autrichien, venu un peu perturber le message que douze partis européens d’extrême droite, réunis samedi 18 mai dernier à Milan en Italie, avaient voulu porter ensemble pour conquérir plus de sièges et d’avantage d’influence au futur Parlement européen.

Le meeting de Milan, auquel ont assisté des dizaines de milliers de partisans – pour l’essentiel – de la « Ligue » (Lega) italienne, le parti du ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, avait été bien préparé. Les partis d’extrême droite du continent s’étaient livrés en amont à une diplomatie de visites mutuelles afin de nouer et confirmer leurs alliances, au-delà de leurs divergences réelles qui portent sur plusieurs points : quel projet économique, plutôt axé sur le libéralisme ou davantage axé sur la démagogie sociale et un discours national-­social protectionniste ? Quel rapport avec le pouvoir russe : grand frère généreux en idées… et en argent, ou menace pour la liberté du reste de l’Europe ? Bref, les profils ne sont pas identiques, mais tant qu’il y a un ennemi commun, l’immigration extra-­européenne, on pourra s’entendre. 

Marine Le Pen en guest star

Le rôle essentiel dans cette diplomatie des visites croisées revenait à Marine Le Pen. C’est elle qui était venue à Rome dès le 8 octobre 2018, et qui s’était ensuite rendue (entre autres) en Bulgarie, en République tchèque, en Slovaquie, puis, en dernier lieu, en Estonie. Les principaux protagonistes de la rencontre, Ligue exceptée, étaient la cheffe du RN français et le parti estonien EKRE, qui vient d’entrer au gouvernement après avoir obtenu 17,8 % des voix aux législatives en mars. Le parti des « Vrais Finlandais » – qui vient de devenir la deuxième force politique du pays aux législatives d’avril 2019, après avoir connu une participation gouvernementale récente mais aussi une scission – ainsi que le « Parti du peuple danois » (DFP), associé à la majorité parlementaire au Danemark mais sans occuper de ministères, étaient également de la partie.

Le nom d’EKRE signifie à peu près « Parti conservateur populaire », mais il s’agit d’une force clairement d’extrême droite et fascisante, voire fasciste. Marine Le Pen a d’ailleurs rencontré un petit problème lorsque, sur un selfie qu’il avait pris avec elle, le député local Ruuben Kaalep a effectué un salut raciste, prisé dans les milieux suprémacistes nord-américains. Elle a prétexté y avoir vu un signe « OK » – comme chez les plongeurs marins –, puis a demandé l’effacement de ladite photo sur Facebook.

Une calamité venue d’Autriche

La vraie calamité est cependant venue de Vienne, où la coalition entre droite et extrême droite, formée en décembre 2017 et gouvernant le pays depuis, a explosé en vol en l’espace de quelques heures, ce même samedi 18 mai. En cause, une vidéo enregistrée en juillet 2017 sur l’île espagnole d’Ibiza, dans laquelle on voit deux dirigeants du parti d’extrême droite FPÖ (Heinz-Strache, jusqu’ici numéro deux du gouvernement et chef du parti, ainsi que le député Johann Godenus) se lâcher un peu trop devant une caméra. Ceci face à une personne qu’ils tiennent pour la nièce d’un richissime oligarque russe et à qui ils proposent le rachat des autoroutes et du premier quotidien du pays « pour former un paysage médiatique à la Viktor Orbán en Hongrie », autrement dit, afin de créer une presse totalement inféodée au futur pouvoir. Le malheur, pour eux, est qu’il s’agissait d’un piège, la jeune dame n’étant d’ailleurs pas russe mais lettonne. Les deux dirigeants néofascistes ont prétexté avoir (trop) parlé sous l’emprise de l’alcool et avoir voulu séduire leur interlocutrice, mais le mal était fait. Tous les deux ont démissionné en urgence.

Le FPÖ risque désormais de payer les pots cassés, aux élections européennes, mais probablement aussi aux législatives en Autriche qui pourraient avoir lieu début septembre 2019. Il faut toutefois craindre que ce scandale ne remette pas en cause l’avancée de l’extrême droite dans les autres pays de l’Union européenne et du continent, où des partis d’extrême droite participent au gouvernement entre autres en Norvège, en Italie et en Bulgarie. Ils constituent, encore et toujours et malgré leurs « accidents de parcours », un ennemi à combattre sans relâche. 

Bertold du Ryon