Publié le Mercredi 9 décembre 2020 à 10h11.

TouTEs ensemble contre les lois liberticides et islamophobes

La fantastique mobilisation du 28 novembre laissera des traces, malgré la décrue de samedi 5 décembre. Le pouvoir s’organise pour y faire face, à nous de maintenir la pression.

Les centaines de milliers de personnes qui ont manifesté samedi 28 novembre contre la loi « sécurité globale » n’ont pas disparu. Sa puissance était liée à un retournement de l’hégémonie politique concernant le rôle de la police. Alors que celle-ci était encensée par la bourgeoisie – par la communication gouvernementale et les médias dominants – autour du procès des attentats de Charlie, de l’assassinat de Samuel Paty et au nom de la surveillance généralisée supposée nous protéger, la violence des flics contre les migrantEs place de la République et contre Michel Zecler a contribué à retourner le point de vue majoritaire, en lien avec les révoltes de l’été contre les violences policières et au ras-le-bol face à la situation sanitaire.

C’est ce qui a permis la mobilisation historique du 28 novembre, unanimement préparée par les forces démocratiques – des organisations de journalistes à la gauche radicale. Défendre le droit de filmer les flics, c’est revendiquer la possibilité de l’autodéfense contre l’appareil d’État. Refuser l’extension du pouvoir de surveillance et l’impunité des flics, c’est faire face à un des instruments fondamentaux de la classe dominante dans la période de crise globale que nous vivons actuellement. Marcon a déclaré dans une lettre mardi 8 décembre : « La France tient par ses policiers et ses gendarmes [...], nous leur devons soutien et protection. J’y veillerai. »

Un pouvoir qui répond à la mobilisation

Le pouvoir a saisi le potentiel de déstabilisation politique de cette mobilisation et se donne les moyens d’y faire face. Samedi 5 décembre, la préfecture – c’est-à-dire l’État – s’est donné les moyens d’interdire militairement la manifestation parisienne après que la justice lui avait imposé l’autorisation de celle du 28 novembre. C’est un saut dans l’autonomisation du pouvoir exécutif – répressif – par rapport au pouvoir judiciaire.

Il continue à utiliser pleinement la rhétorique de l’ennemi intérieur contre les musulmanEs, et l’arrivée de la loi « séparatisme » ne va rien arranger. La dissolution du CCIF, association de défense juridique contre l’islamophobie, vient d’être prononcée. Le gouvernement tente en outre d’utiliser le procès Charlie, sans grand succès pour l’instant. En effet, puisque les terroristes se font quasi systématiquement tuer au lieu d’être arrêtés, les procès sont vidés de leur contenu : la justice se retrouve avec des seconds couteaux dont les actes criminels ne sont pas si simples à prouver et dont les motivations politiques sont très confuses.

Le pouvoir se prend également les pieds dans le tapis en octroyant la protection fonctionnelle aux policiers qui ont battu Michel Zecler. Cette protection vise à ce que l’institution se substitue aux agents de l’État. Ainsi, le préfet Lallement montre que les violences sont bien commises au nom de l’État, qu’il ne s’agit pas de « dérapages » individuels.

Construire, construire, construire

On aurait tort de ne faire que constater la décrue des mobilisations samedi 5 décembre. En effet, le potentiel politique – conscience de masse qu’il existe une injustice, erreurs du pouvoir – est là pour nous permettre de construire une mobilisation capable de gagner.

À condition de se rappeler qu’aucune mobilisation ne gagne sur une simple manifestation, qu’on doit passer à une phase de construction. En s’appuyant sur les acquis : les collectifs de familles contre les violences policières, les positions des organisations de juristes, de journalistes ou pour les droits humains notamment, mais surtout en développant ce qui fait la spécificité de notre courant militant : la bataille pour le « front unique ». Il est de notre responsabilité de construire, de la base au sommet, cette unité d’action. Les sommets semblent pour l’instant bloqués mais, à la base, des possibilités existent : des manifestations locales sont organisées, des réunions unitaires rassemblant organisations syndicales, politiques et associations, des assemblées sont possibles comme celle qui, à Montreuil, a regroupé 60 personnes. Des échéances existent, contre la loi « séparatisme » et l’islamophobie le 12 décembre, la journée internationale des migrantEs le 18 décembre, autour de thématiques similaires, pour entretenir l’action.

On a tout à espérer d’une mobilisation contre la répression policière et raciste. À nous également de combiner les revendications immédiates, comme le retrait de la loi « sécurité globale » et de la loi « séparatisme », et des mots d’ordre anti-État pour le désarmement de la police – vers son démantèlement –, pour le remplacement des polices « de proximité » par des éducatrice et éducateurs et des structures sociales, etc.

À nous aussi, militantEs révolutionnaires, de travailler les liens possibles avec la situation plus globale : contre la crise économique qui déstructure la société, il faut imposer l’interdiction des licenciements et le partage du temps de travail financé en prenant sur les profits ; face à la gestion autoritaire de la pandémie, imposons des actions de solidarité par en bas, la réquisition des laboratoires pharmaceutiques, la gratuité du vaccin.

Dans la période que nous vivons depuis une dizaine d’années, les points d’appui militants ne sont pas si nombreux mais on sent autour de nous un regain d’activité, des prises de conscience, une espèce de « trop c’est trop » sur lequel nous pouvons nous appuyer pour remettre en mouvement les classes populaires et le camp des travailleurEs.