Alors que le gouvernement prétendait hier encore faire de la pédagogie sur sa réforme des retraites, avec le succès que l’on sait, il en est un parmi les ministres qui n’a pas hésité à poser le débat sur un tout autre ton : Gérald Darmanin ! Le ministre de l’Intérieur, fidèle à son mentor Nicolas Sarkozy, a su reprendre les poncifs chers à son électorat dans un entretien au Parisien le 28 janvier, taxant au passage Sandrine Rousseau et Jean-Luc Mélenchon de « gauchisme paresse et bobo » qui défendraient une « société sans travail, sans effort ». Pour la pédagogie, on repassera !
Pour la clarté de vue des intérêts de son camp en revanche, Darmanin n’a pas flanché en affirmant que « le travail, c’est une belle valeur. À mes yeux, c’est même le débat principal qui est posé en ce moment : celui du choix de société que nous voulons, une société de travail et de mérite ». En effet. Les opposantEs à la contre-réforme ont l’air d’avoir une réponse dans ce débat… Et pas tout à fait la même !
En fustigeant ses adversaires politiques à qui il prête « un profond mépris de la valeur travail que défendent les ouvriers et les classes populaires », Darmanin cherche à diviser le front uni qui s’exprime dans la rue.
La manœuvre pourrait bien tourner court tant ce discours servi depuis 15 ans à toutes les sauces, de gauche comme de droite, entre en conflit avec la réalité simple, vivante et quotidienne des travailleurEs. La répartition des richesses toujours plus inégale, les politiques menées pour la spéculation, l’enrichissement des riches contre les pauvres, y compris ceux qui travaillent, ne s’effaceront pas derrière les leçons de morale.
Car qui peut encore croire que c’est le travail et le mérite qui gouvernent cette société quand la loi du profit conduit à la destruction de la planète, à la chasse aux pauvres, à la précarisation généralisée du salariat, au rejet raciste et à la disparition des services publics et des biens communs ?
Oui, nous savons, n’en déplaise au Monde, qui voudrait que « la gauche soit forcée d’examiner son rapport au travail »1, quelle valeur attribuer au travail et nous l’avons toujours su, contrairement à d’autres à gauche. Dans ce combat comme dans les précédents, nous refusons la domination d’une classe sur une autre par l’exploitation. Pour nous, comme le disait Karl Marx, « le royaume de la liberté commence là où l’on cesse de travailler par nécessité ».
- 1. Julie Carriat, « La gauche forcée d’examiner son rapport au travail », le Monde, 2 février 2023.