Que peut-on attendre d’un chef de l’État en déroute, d’un Premier ministre illégitime, d’un gouvernement convergeant avec l’extrême droite ? Comment se maintenir au pouvoir « quoi qu’il en coûte » ?
Par l’union sacrée : union sacrée contre le terrorisme, union sacrée face à la pandémie, union sacrée raciste anti-immigrés… Les sorties de Trump, son soutien à l’agression russe en Ukraine et la fin pressentie de la « protection » américaine en Europe ont offert à Macron, Bayrou et Retailleau l’occasion d’une poussée de nationalisme militariste.
Le projet de réarmement
Les 413 milliards de loi de programmation militaire (2023-2027) et les projets de « réarmement moral de la jeunesse » s’inscrivaient déjà dans une forte tendance à la hausse des dépenses militaires dans le monde. « 2 443 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de 6,8 % en termes réels par rapport à 2022. Il s’agit de la plus forte augmentation d’une année sur l’autre depuis 2009 », dont 1 341 milliards de dollars pour les 31 pays de l’Otan, explique le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute).
Le grand projet réactionnaire de renouveau de la « grandeur » nationale (associé à la nouvelle phase de développement de l’EPR, malgré le naufrage financier et technique des chantiers et sites existants) peut maintenant espérer s’inscrire dans le cadre d’une stratégie militaire européenne à 800 milliards d’euros.
L’Europe, garante du droit international ?
Avec la collusion entre Trump et Poutine, l’occasion est donnée à Van der Leyen, Scholz, Macron, Starmer et d’autres de se présenter en dirigeants d’une Europe de la démocratie libérale, garante du droit international (contre l’annexion du Groenland) et de « valeurs éclairées ». Rien ne pourra cependant faire oublier leur responsabilité accablante dans la situation actuelle.
Ils peuvent bien s’émouvoir de « l’isolement » inédit de l’Europe, de l’accroissement des risques de guerre. Ce sont eux qui depuis 18 mois ont intégralement soutenu et justifié l’appui militaire, politique et médiatique inconditionnel à un pouvoir ouvertement fasciste, colonial et génocidaire en Israël. Les mêmes ont participé au saccage du droit international qu’ils et elles prétendent défendre. Les mêmes avaient prospéré sur les ventes d’armes massives à l’Arabie saoudite dans sa guerre de sept ans au Yémen, et font leurs calculs sur les bénéfices qui pourront être tirés des catastrophes en cours au Soudan et en RDC.
Les mêmes — Allemagne, France, Grande-Bretagne, en particulier — ont renoncé à toute intelligence diplomatique (au moins) vis-à-vis du Sud Global et de la Chine, en adoptant les slogans et la stratégie de la tension et de la déstabilisation dans une région du monde déjà parsemée de centaines de bases militaires américaines.
Comment pleurer sur le nouvel « isolement de l’Europe » et une montée des périls au sein du bloc impérialiste historique Europe - États-Unis quand celui-ci a encouragé les pires dérives inégalitaires, militaristes, racistes, et désormais ouvertement fascistes, dans l’ignorance de la plupart des opinions publiques mondiales ?
L’action des fabricants d’armes en hausse
Depuis la prise de pouvoir de Trump en janvier, l’action du fabricant d’armes allemand Rheinmetall a pris 73 % ; Thales, 65 % ; l’italien Leonardo, 60 % et le britannique BAE Systems un « modeste » 33 %.
Comme l’ont montré la crise des subprimes de 2008 et la pandémie de Covid-19, les ressources mêmes gigantesques ne manquent jamais pour la sainte trinité du capitalisme, de l’impérialisme et du militarisme. De quoi aller prier à Notre-Dame de Paris restaurée en quelques mois. Union sacrée, c’est le cas de le dire !
Refuser l’union sacrée doit être une ligne rouge pour une gauche convergente et solidaire, prête à combattre les attaques sur toutes les formes de redistribution encore existantes ou sur l’épargne, prête à défendre une orientation internationaliste. Une gauche tournée vers les résistances ukrainiennes et palestiniennes. Et pour une diplomatie anti-guerre sortant la France et l’Europe de leur mépris chronique des peuples de la planète. Lesquels paieront le prix de la précipitation du chaos climatique dont le militaire, avec ou sans guerre, est un facteur central désormais avéré.
Thierry Labica