Publié le Mercredi 29 mai 2019 à 12h04.

Affaire Vincent Lambert : Dieu et l’austérité refusent qu’on meure dans la dignité !

Depuis 2008, Vincent Lambert vit dans un état végétatif chronique. Cet infirmier psychiatrique avait plusieurs fois affirmé, à sa femme et à ses proches, qu’il refusait tout acharnement thérapeutique.

Vincent Lambert n’avait toutefois pas pu signer de directive anticipée sur sa fin de vie, comme le permet la loi Claeys-Leonetti de 2016. Par cinq fois, la justice a validé le choix de l’épouse et de l’équipe médicale qui suit Vincent Lambert, d’arrêter la nutrition et l’hydratation artificielle, tout en assurant médicalement une sédation profonde pour lui éviter toute souffrance.

Les réacs en première ligne

Signe des temps ? Mobilisés par des parents avec lesquels Vincent Lambert avait rompu depuis longtemps, ce sont les catholiques ultras, proches de Laissez-les vivre et de la Manif pour tous, qui manifestent pour interdire aux équipes médicales de mettre en œuvre le droit de mourir dans la dignité, qui était le choix de Vincent Lambert. Ils ont obtenu de la Cour d’appel de Paris la reprise de l’hydratation et de l’alimentation. Mgr Beaufort, président de le Conférence des évêques de France, a pris position pour « ne pas le laisser mourir de faim ou de soif et même de tout faire pour maintenir jusqu’au bout la prise en charge adaptée ».

Pour l’ADMD, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, l’affaire Vincent Lambert « souligne au contraire les insuffisances de la loi Claeys-Leonetti », l’absence de campagne publique pour favoriser la signature de directives anti­cipées, le flou sur qui décide. Une loi hypocrite, qui permet d’arrêter alimentation et hydratation, qui autorise une sédation profonde, ce qui va mener à une mort lente, souvent douloureusement vécue par la famille, mais qui refuse d’aider à mourir. Une loi qui a refusé l’amendement sur la hiérarchisation de la parole portée par la famille, en l’absence de directive anticipée. « À l’image de la loi belge, que ce soit d’abord celui avec qui on a mené sa vie volontairement l’époux (mari ou femme), le partenaire de PACS ou le concubin qui prime en termes de décision sur le ou les enfants majeurs, et ensuite le ou les parents », explique le député de la Charente-Maritime Olivier Falorni, « parce qu’on choisit son conjoint, on ne choisit pas forcément ses parents ».

Manque d’équipes de soins palliatifs

Aujourd’hui les cathos ultras, hier le Conseil de l’ordre des médecins, qui radiait en 2015 le Dr Bonnemaison, pourtant acquitté par la justice, pour avoir aidé à mourir une patiente de 86 ans en fin de vie… Mais ce qui rend aussi souvent difficile de mourir dans la dignité, c’est tout simplement l’austérité, le manque d’équipes de soins palliatifs, le manque de formation des équipes soignantes face à la douleur. Un tiers des structures de soins palliatifs en France fonctionnent avec la moitié de leurs effectifs médicaux, selon l’enquête de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. Manque de budget, de formation, de candidatEs pour un métier difficile et peu considéré. Manque de temps pour les médecins de ville débordés, pour s’investir dans les réseaux de soins palliatifs, ­notamment à la campagne.

Dieu, le Conseil de l’ordre, les juges, l’austérité… Ce n’est pas à eux de décider de nos vies, et du droit de mourir dans la dignité !

Frank Cantaloup