Publié le Mercredi 15 janvier 2020 à 12h33.

Arrêts de travail en ligne : en Marche vers l’ubérisation de la santé !

Le site arretmaladie.fr promet de fournir, en trois clics et pour 25 euros, un arrêt de travail de trois jours maximum ! Attendre un rendez-vous dans un cabinet, passer la nuit aux urgences... C’est fini. Mais voir un médecin aussi…

Un questionnaire en ligne, une courte vidéo avec un médecin, dont on a bien compris que la préoccupation principale n’était pas de soigner, mais de vendre un arrêt de travail, c’est la promesse de ce site. Avec de fortes chances que la « consultation » ne soit pas remboursable ! Comme le révèle le Quotidien du médecin, le site est « édité par une société allemande » dont le patron n’est pas médecin mais… avocat. Fureur de la Sécurité sociale qui engage un référé, qu’elle n’est pas sûre de gagner.

Informatisation de la médecine

Télémédecine, dossier médical partagé, transmission des arrêts de travail par internet, prise de rendez-­vous en ligne, base de données de santé : l’informatisation de la médecine progresse à grand pas. Pour le meilleur ou pour le pire ? Ainsi Doctolib, une société privée de prise de rendez-vous en ligne. Du temps gagné ? Oui, mais aussi des économies sur le salaire des secrétaires pour médecins et hôpitaux… Et surtout, à l’heure du croisement des données numériques, on pense à l’affaire Cambridge Analytica avec Facebook, une gigantesque base de données privée, qui conservera en mémoire que vous êtes allé voir un psychiatre à 20 ans, ou que toutes vos sœurs ont des rendez-vous chez un spécialiste du cancer du sein. Voilà qui pourrait intéresser bien des assurances et des mutuelles.

Monétisation des données de santé

Intelligence artificielle pour la santé rime avec GAFA : Google, Amazon, Facebook, Apple. Et pour les États-Unis et la Chine, les bases de données de santé vont devenir des éléments stratégiques de l’économie mondiale du 21e siècle. Il y a quelques mois, le Wall Street Journal révélait l’affaire Nightingale. Un accord secret entre Google et 150 hôpitaux US, pour amasser les données de santé personnelles de millions d’États­unienEs, sans leur consentement et sans les en informer. Le tout en toute légalité. Alors pour la France de Macron, il faut rester dans la course et lever le contrôle public sur ces données profitables. Ainsi, la France vient de lancer le Health Data Hub, qui rassemblera les bases de données médicales de l’assurance maladie, des hôpitaux, de la médecine de ville. Elle autorisera les recherches publiques, mais aussi privées, et sera stockée sur le cloud de Microsoft. Et donc soumis au Cloud Act, une loi étatsunienne qui permet aux États-Unis de perquisitionner des données lorsqu’elles sont hébergées par une entreprise US. Favoriser la monétisation des données de santé, plutôt que la recherche publique pour la santé, voilà qui explique les choix qui ont présidé à l’organisation de cette gigantesque base de données médicales.

Utopie marchande

Comme souvent sous le capitalisme, les progrès – réels, quand on pense télé-expertise, travail en réseau, données de santé publiques – servent surtout à la marchandisation et à l’ubérisation, au contrôle des dépenses, à la monétisation des données de santé, synonyme de déshumanisation, de médecine à deux vitesses, de menace sur le secret médical. L’utopie marchande nous dit que l’informatisation et la monétisation des données de santé sont notre avenir radieux. Réaffirmons, à l’heure de l’épidémie de diabète, de cancer et de pathologies environnementales, que c’est du côté de l’amélioration des conditions de vie, de travail, d’alimentation, que se trouve le moyen d’avancer vers une meilleure santé pour tous. 

Frank Cantaloup