L’annonce de la fermeture de la maternité de Carhaix prévue le 3 avril 2023 a provoqué le soulèvement de la population du Kreiz Breizh (Centre Bretagne) qui s’est déclarée à nouveau « en résistance ».
Quinze ans après la lutte victorieuse de 27 semaines, contre une première tentative de fermeture des services vitaux de l’hôpital dont la maternité, l’émotion et la colère se sont de nouveau transformées en une impressionnante mobilisation.
Un cortège de 8 000 personnes
Malgré l’annonce, en dernière minute, du report de la fermeture, 8 000 personnes se sont rassemblées le samedi 18 mars à 11 h dans cette ville de 7 200 habitantEs pour affirmer leur détermination à défendre leur maternité. Celle-ci est depuis 2008 le symbole de ces services publics essentiels que les contre-réformes libérales font disparaitre les uns après les autres sur des territoires comme le Centre Bretagne.
Au cours du meeting, notre camarade Matthieu, porte-parole du comité de vigilance, fut ovationné quand il appela à ne rien lâcher, à imposer un « 49.3 de la rue », un « 49.3 sanitaire » et proposa d’aller à nouveau à Kemper manifester autant de fois qu’il le faudrait pour obtenir satisfaction. Catapulte en tête1, le cortège de plus d’un kilomètre de long s’est rendu jusqu’à la gare.
Conséquences de la loi Rist
En 2008, l’attaque avait été franche et ouverte. L’objectif affiché par Perrin, le directeur de l’ARS, était la « rentabilité » des « usines à bébés » au détriment de la proximité et de l’humanité d’une maternité locale. Aujourd’hui l’argumentation est plus hypocrite : la prétendue « impossibilité » pour le CHU de Brest, auquel l’hôpital de Carhaix est désormais rattaché, d’établir, faute d’anesthésistes, un « tableau de garde » pour Carhaix. C’est l’une des premières conséquences de l’application stricte de loi dite « Rist »2. Celle ci plafonne les rémunérations des intérimaires assurant des gardes hospitalières.
Derrière ces arguties la volonté de liquider un service public essentiel pour des raisons d’économies budgétaires n’est jamais loin. La directrice du CHU de Brest n’a d’ailleurs pas hésité à déclarer à la presse que les femmes guyanaises faisant 3 jours de pirogue pour rejoindre la maternité dans ce département, les bretonnes pouvaient bien faire trois quarts d’heure de route pour accoucher à Brest !
Les outils d’une nouvelle lutte collective se mettent en place. Le comité de vigilance (soutenu par la municipalité) rassemble largement toutes celles et ceux qui veulent participer à la lutte, un comité regroupant professionnelEs et usagerEs prépare les dossiers « techniques » et les argumentaires, et le comité des futures mamans fera entendre la voix des premières concernées.
En 2008, la lutte de Carhaix était devenue le symbole national du combat pour la défense des hôpitaux et maternités de proximité contre les restructurations libérales. Le nouveau combat de la population du Kreiz Breizh pourrait en faire le phare de l’opposition à une nouvelle vague de fermetures préparée par le rapport de l’Académie de médecine qui préconise la fermeture de 131 maternités pratiquant moins de mille accouchements par an.
Solution libérale
Le manque d’attractivité du travail dans les hôpitaux publics du fait du niveau des rémunérations et de conditions de travail, les départs de professionnelEs qui en sont la conséquence sont une réalité. La « solution » libérale consistant à fermer les petites structures en aggravant l’engorgement des plus grandes n’en est pas une.
Quant à la « sécurité » de femmes qui risquent d’accoucher sur la route, au stress que génère l’inquiétude de ne pas arriver à temps à l’hôpital, il n’est jamais pris en compte.
Dans le Finistère, après Pont-l’Abbé déjà transformée en « centre de périnatalité » ne pratiquant plus d’accouchements, c’est aujourd’hui Landernau qui se mobilise contre la fermeture programmée de sa maternité, avec aussi en toile de fond l’application de la loi Rist. Les effets de cette loi se font sentir sur tout le territoire. En Bretagne, Guingamp et Redon sont également menacées et, au plan national, les alertes se multiplient. D’ores et déjà on peut citer les exemples de Fontenay-le-Comte en Vendée, de Romilly-sur-Seine dans l’Aube, de Dole et Lons-le-Saunier dans le Jura, de Brignoles-le-Luc dans le Var, de Rodez dans l’Aveyron qui vont demain se multiplier. Le 18 mars dernier à Carhaix n’était qu’un début !