L’enquête de Que Choisir montre que les déserts médicaux ne sont pas un simple problème de répartition. Elle souligne la pénurie absolue de médecins, généralistes et spécialistes, quasiment partout sur le territoire, avec une explosion des dépassements qui pousse doublement à renoncer aux soins. Il est temps d’en finir avec ce scandale.
Le numerus clausus de 2020, à 9 300, a été remplacé par le numerus apertus, c’est-à-dire le nombre de places disponibles en fac. Seulement 11 800 en 2021. Pas de quoi faire face aux départs massifs à la retraite d’une profession dont la moyenne d’âge est de plus de 51 ans. Il faut donner aux facs de médecine les moyens d’accueillir beaucoup plus d’étudiantEs.
Pour plus d’étudiantEs en médecine et moins de ségrégation sociale et raciale
Il faut aussi réformer de fond en comble la sélection et la formation, notamment la santé publique et communautaire, le droit des patientEs, et la centrer sur le patient et pas seulement le symptôme…
Toutes les études le montrent, si l’on veut des installations dans les zones rurales et dans les banlieues populaires, il faut former des médecins qui en sont issuEs ! Pour en finir avec la ségrégation sociale et raciale à l’entrée en fac de médecine, où les boursiers sont moitié moins nombreux que dans les autres filières, il faut un salaire étudiant dès le début des études, égal au minimum au Smic. Des propositions indispensables, mais efficaces à moyen terme. Il faut en effet plus de 10 ans pour former unE médecin.
Ni dépassements d’honoraires ni ubérisation de la médecine de ville
Les déserts médicaux sont souvent des déserts tout court ! Pas d’hôpital, pas de maternité, pas de spécialiste à proximité, donc un isolement médical qui fait fuir les nouvelles générations. Pas de travail pour le partenaire, pas d’école pour les enfants, pas de culture. La métropolisation qui casse les services publics de proximité et concentre la vie sociale dans les zones de profitabilité a fait naître les Gilets jaunes. Elle fait aussi fuir les médecins.
Les jeunes généralistes font en moyenne 48 h 30 de travail par semaine, dont 7 heures d’administratif. À court terme comment dégager du temps médical pour prendre mieux et plus de patientEs en charge ? Chaque force sociale a ses réponses. Pour les médecins ultra-libéraux, mauvaise question, puisque la pénurie permet de faire exploser les dépassements d’honoraires, avec 3,5 milliards en 2021. Record absolu !
Pour les secteurs modernistes du capital, l’ubérisation d’une médecine de ville à la chaîne est la solution. Par exemple, selon la Caisse nationale d’Assurance maladie, les IPA (infirmières en pratique avancée) permettraient de faire descendre la durée moyenne d’une consultation médicale à 12 minutes, celle des IPA elles-mêmes à 6 minutes. Tollé général et recul !
Des centres de santé publics et de proximité
Le mouvement social doit porter ses solutions. La création de centres de santé de proximité, donc publics, pluridisciplinaires, en commençant par les déserts médicaux, a de nombreux avantages. Pour les médecinEs regroupés, salariéEs, bénéficiant d’un vrai secrétariat, une bonne partie du travail administratif est de fait supprimé. Et là, le travail avec des médiatrices santé, des IPA et des associations d’usagerEs, de malades, de quartier trouve tout son sens. Des ateliers santé où on réunit les patientEs diabétiques pour expliquer comment mieux manger, bouger, se tester, connaître les symptômes d’alerte, c’est à la fois bon pour la santé et cela épargne du temps médical ! Soigner mais aussi prévenir, prendre en charge les petites urgences médicales, coordonner les intervenantEs santé, faire participer les patientEs, former les étudiantEs en médecine qui auront l’habitude de fréquenter les centres de santé partout sur le territoire, faire de la recherche en santé communautaire, voilà qui n’est pas rentable pour LE médecin, mais bon pour sa qualité de vie, son estime de soi et la santé de toutEs.
À l’heure de l’austérité dans la santé, des garanties en matière de temps moyen par patientE et de salaire sont des évidences qui seules peuvent gagner les futurs médecins à un service public de santé de proximité de qualité. Les incitations financières à l’installation sont un énorme échec. Alors que des dizaines de milliers de professionnelEs de santé fuient l’hôpital, comment imaginer que la contrainte ou la menace d’un déconventionnement amèneraient autre chose qu’une désertion du métier ou une nouvelle vague de déconventionnements, cette fois-ci chez les médecins de ville. L’ultra-libéral syndicat FMF (Fédération des médecins de France) prépare d’ailleurs ses assises du déconventionnement pour mars 2023 !
Il n’ y a pas d’autres solutions que de croiser un avenir désirable pour les futurs médecins et les exigences d’une santé publique de proximité, partout sur le territoire.