En 2022, 6 713 lits ont été fermés à l’hôpital. En neuf ans, la baisse cumulée atteint 39 000 lits d’hospitalisation complète (– 9,4 %), selon une étude de la DREES (Direction de la recherche, des études et de l’évaluation statistiques) parue le 20 décembre1.
Au CHU de Besançon, par exemple, ce sont en 2022 58 lits d’hospitalisation qui ont été perdus, passant de 1 084 à 1 026. Sur les 1 026 lits effectifs, 143 sont fermés par manque de personnel. La capacité d’accueil du CHU de Besançon est donc de 883 lits. Depuis 2017, 25 % des lits ont été supprimés.
La baisse du nombre de lits assumée par l’État
Ces chiffres nationaux sont assumés par l’État : il y a depuis plusieurs années le « virage ambulatoire », il y a un manque de personnel et il y a davantage de chambres à un lit.
Le manque de personnel est dû au numerus clausus médical des années 1980 à 2010, au manque de formation d’aides-soignantEs et d’infirmierEs. Quant aux chambres à un lit, l’argument paraît quelque peu falacieux : avec les moyens nécessaires, des chambres ça se crée.
Des conséquences dramatiques pour les malades
La conséquence de ce manque de lits est mesurable en temps réel, aux urgences, par exemple. « Je ne connais pas de service d’urgences qui échappe, aujourd’hui, au problème de manque de lits d’hospitalisation » constate Marc Noizet, président de SAMU-Urgences de France et urgentiste à Mulhouse, dans le Monde (31/12/2023).
Tous les hôpitaux du pays sont touchés par la pénurie : dans le Var, un nombre croissant de services d’urgences sont contraint de fermer la nuit. Un sur deux. Dans le Finistère, trois services d’urgences sont en grève depuis début décembre. À Fontenay-le-Comte (Vendée), un plan « hôpital en tension » a été déclenché. Les urgences de Luçon ont fermé toutes les nuits la dernière semaine de décembre. Celles des Sables-d’Olonne, trois nuits d’affilée...
Concrètement cela signifie des tris entre les patientEs qui arrivent aux urgences. Des préfabriqués médicalisés ou non pour des « consultations minute », destinés au premier accueil, font leur apparition comme à Strasbourg ou à Argenteuil (95).
Cela signifie aussi des pertes de chances pour les malades, comme ce fut le cas d’un jeune homme de 25 ans, décédé aux urgences de l’hôpital d’Hyères (Var) dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 20232. Ou encore celle de cet homme de 96 ans décédé sur un brancard au milieu de l’hôpital de Lons-le-Saunier (Jura)3. Ce ne sont que deux exemples récents parmi de nombreux cas depuis des années.
La santé privatisée, la société malade du profit
La cause de ce désastre est parfaitement identifiée. Il s’agit de la politique qui fait de la Santé une marchandise comme les autres, soumise aux contraintes de budgets insuffisants. Ce qui conduit même la direction de l’hôpital européen Georges-Pompidou à lancer une collecte pour s’équiper d’un scanner.
Décidément cette société malade de la loi du profit, avec ses gouvernements qui démolissent les services publics les uns après les autres, devient invivable. Au sens propre.
Lucien Bonnafé, psychiatre désaliéniste, disait : « On juge du degré de civilisation d’une société, à la façon dont elle traite ses fous ». Cette phrase, si actuelle pour la psychiatrie publique, l’est aussi dorénavant pour les soins somatiques.
- 1. https://drees.solidarite…
- 2. Voir l’article de Simon Fontvieille dans Mediapart, 16 décembre 2023.
- 3.