Publié le Vendredi 2 novembre 2012 à 22h43.

Dépassements d’honoraires : Le patient reste le « pigeon » et la Sécu le « dindon de la farce »

La ministre de la Santé Marisol Touraine annonçait une réforme majeure pour l’accès de tousaux soins : les dépassements d’honoraires seraient contenus dans des limites raisonnables. Les négociations se concluent par un véritable fiasco, les dépassements seront sans limite.

Les tarifs des spécialistes à honoraire libre (secteur 2) seront pratiquement libres. Une limite de 2,5 fois le tarif remboursable est certes fixée aux dépassements (pour une consultation : 70 euros au lieu de 28) mais sans contrainte réelle. Les consultations au-delà de 70 euros seront considérées abusives uniquement si elles sont répétitives. De très éventuelles sanctions pourront être prononcées par d’autres médecins dans le cadre de procédures complexes.
Les médecins qui ne dépasseront pas au-delà de 100 % les tarifs pourront signer « un contrat d’accès aux soins » et être exonérés de cotisations sociales s’ils reçoivent sans pratiquer de dépassements les patients en CMU (ce qui est déjà obligatoire… en théorie) et ceux qui bénéficient de l’Aide à la complémentaire santé (ACS).
L’accès aux soins plus difficile
De nombreux médecins seront ainsi incités à pratiquer davantage de dépassements d’honoraires « raisonnables ». Les difficultés pour trouver des médecins dans le secteur 1 seront accrues. La Sécu ne rembourse déjà plus que 55 % des soins courants. Le champ de la protection sociale sera modifié au profit des mutuelles et surtout des assurances privées qui rognent chaque année une part supplémentaire « du marché » de la santé. C’est un risque majeur pour la Sécu devenu minoritaire dans la part de remboursement !
Ce résultat n’est pas surprenant quand on voit qui était autour de la table de négociations. La Sécurité sociale était représentée par Frédéric Van Roekeghem, ancien directeur chez AXA et dans des cabinets ministériels de droite, nommé directeur de la Cnam par le gouvernement en 2004 et maintenu à son poste par la gauche. Pas de représentants démocratiquement élus des assurés sociaux. La démocratie sociale a été éliminée par les ordonnances de 1967 et les lois Juppé de 1994.
Quant aux médecins libéraux, les déclarations de leurs représentants sont révélatrices : ainsi les interventions de M. Chassang, Président de la CSMF1, à l’émission de télévision « C dans l’air » : les consultations des personnes âgées doivent être majorées de 10 euros car « elles mettent plus longtemps à se déshabiller » (il a obtenu gain de cause !). Les dépassements d’honoraires ne doivent pas être limitées car « le patient doit demander au médecin son tarif puis exposer ses éventuelles difficultés financières ». Et pour conclure : « il ne voyait pas pourquoi on ne pourrait pas s’enrichir avec la santé » !
La Sécu en péril
Enfin, l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (Unocam) regroupe les mutuelles et les assurances. Il n’y a pratiquement plus que les statuts qui les différencient. Elles ont les mêmes pratiques (remboursements variables selon les contrats et cotisations…) et rêvent de se substituer à la Sécu. On comprend donc pourquoi l’Unocam a signé l’accord !
L’issue de cette négociation illustre la politique de ce gouvernement, sourd et intransigeant envers les besoins des classes populaires, mais capitulant à la première occasion devant les exigences et les chantages du patronat et des couches sociales les plus aisées.
Pour s’opposer à cette politique et faire reculer le gouvernement, le seul moyen est la mobilisation unitaire, avec les associations de malades, les syndicats, les partis de gauche. C’est la voie tracée par les centaines de médecins qui ont signé l’appel du « Mouvement des médecins solidaires »2 contre les dépassements d’honoraires et par le collectif unitaire « Notre santé en danger » dont le NPA est partie prenante.
S. Bernard, J.C. Delavigne
1. Confédération des syndicats médicaux français
2. « La Santé, un droit pour tous » :collectifsante33@free.fr