Publié le Samedi 21 février 2015 à 09h43.

Dette : la santé, objet de spéculation des banques et de la finance

Le 15 janvier dernier, la Banque centrale suisse a décidé brutalement de renoncer à maintenir le cours plafond de 1,20 franc suisse pour 1 euro. La réaction des marchés des changes a été immédiate : le même jour, le franc suisse s’envole et 1 euro s’échange contre 0,9944 franc suisse...

En France, les hôpitaux et les autres acteurs publics qui ont eu la mauvaise idée de souscrire des emprunts structurés dont le taux est indexé sur la parité euro - franc suisse, voient leurs charges d’emprunt bondir, car les taux déjà élevés (autour de 15 %) dépassent allègrement les 25 %.Durant une période qui va de la fin des années 90 jusqu’au début de la crise financière de 2007-2008, l’État a laissé les banques proposer en toute impunité des emprunts risqués aux hôpitaux, mais aussi aux collectivités et aux organismes de logement social. Les banques ont engrangé des marges très conséquentes, mais lorsque ces emprunts ont vu leurs taux exploser, les acteurs publics locaux ont dû faire face à des surcoûts d’intérêts insupportables, sachant que les emprunteurs ne peuvent rembourser leur prêt par anticipation, car pour ce faire, les banques exigent le paiement d’indemnités (appelées soultes) exorbitantes dont le montant dépassent souvent le capital du prêt à rembourser.

L’état à la rescousse des banques...C’est cette situation qui a amené un grand nombre de collectivités à attaquer les banques en justice et à obtenir gain de cause sur la base du défaut du TEG (taux effectif global) (1) ou d’un TEG inexact. Pour éviter la généralisation de cette jurisprudence favorable aux emprunteurs, le gouvernement a fait voter le 17 juillet 2014 au Parlement par sa majorité socialiste et les Verts un scandaleux projet de loi de validation qui, par un coup de baguette magique législative, rend rétroactivement légaux des contrats qui ne le sont pas.Pourtant aujourd’hui, de nombreuses collectivités poursuivent leurs actions en justice car d’autres pistes de droit existent pour faire condamner les banques, notamment le manquement aux devoirs d’information, de conseil et de mise en garde, ou bien encore le caractère spéculatif des emprunts. Dernièrement, la Fédération hospitalière de France (FHF) a annoncé sa décision de s’associer avec l’Association ­acteurs publics contre les emprunts toxiques (l’APCET représente des collectivités locales) pour saisir la justice européenne afin de demander l’annulation de la loi de validation de juillet dernier.

Mettre les banques sous contrôleLa dette des hôpitaux publics est estimée à 30 milliards d’euros... dont 1,5 milliard d’euros d’emprunts toxiques. Il en coûterait 3 milliards d’euros aux hôpitaux pour s’en débarrasser. Quant au surcoût d’intérêts découlant de l’appréciation du franc suisse, Frédéric Valletoux, le président de la FHF, l’estime à 500 millions d’euros. Ces sommes sont à mettre en regard avec le ridicule fonds de soutien de 100 millions d’euros destiné à aider les hôpitaux plombés par les emprunts toxiques, en échange de leur renoncement à attaquer les banques en justice.Aujourd’hui, la première urgence est d’obliger les banques à transformer les emprunts toxiques des hôpitaux et des autres acteurs publics en emprunts classiques non risqué à taux fixe ou à taux révisable. La seconde priorité est de mettre les banques sous contrôle en les socialisant sans indemnité, cela afin de créer un véritable service public bancaire. La santé n’est pas une marchandise, elle est un bien commun qui doit être soustrait aux intérêts des banques et des capitalistes.

Patrick Saurin(porte-parole de Sud BPCE, membre du CADTM et du Collectif d’audit citoyen)1  – Le taux effectif global (TEG) est le taux qui représente le coût effectif du crédit en intégrant tous les frais. Son absence ou son caractère erroné constituent un vice de forme qui autorise le juge à y substituer un autre taux, le taux légal (pour information, le taux légal est de 0,93 % en 2015).