Publié le Lundi 29 mars 2021 à 15h15.

Faut-il fermer les écoles ?

Vendredi 26 mars au soir, Jean-Michel Blanquer a annoncé un protocole sanitaire renforcé alors que la situation épidémique est dramatique dans de nombreux établissements, en particulier en Île-de-France. Effectivement, en Seine-Saint-Denis de nombreux établissements se retrouvent dans des situations de clusters, sans que le gouvernement ne daigne faire quoi que ce soit en dehors des effets dannonces...

On le sait depuis plusieurs semaines maintenant : la situation épidémique dans de nombreux départements de France est devenue incontrôlable. Samedi 27 mars, en Seine-Saint-Denis (le département le plus touché en France métropolitaine), le taux d’incidence était de 777,7 pour 100 000, alors qu’au pic de l’épidémie de seconde vague en novembre, il ne dépassait pas 570. Depuis quelques semaines, mais plus encore ces derniers jours, les chiffres de l’Éducation nationale montre une augmentation croissante des taux de positivité dans les écoles : on a vu s’accroître le taux d’incidence, sur la tranche d’âge 0-14 ans, de 31% la semaine dernière. Ce n’est un secret pour personne, bien que le gouvernement ait essayé de nombreuses fois de faire croire le contraire, le virus circule bien dans les écoles.

Des droits de retrait et de la colère

Dans nombre d’écoles, de collèges et de lycées c’est en réalité une situation de cluster qui a été mise à jour. Un pourcentage allant de 10 à 40% des enseignantEs testés positifs, de nombreuses classes en éviction, l’éviction des personnels cas contacts et souvent aucun remplacement prévu. C’est comme cela qu’on se retrouve avec des classes bondées dans les écoles, les élèves de certaines classes étant répartis quand leur professeurE manque à l’appel. En collège et en lycée, le manque d’effectif est criant, alors que le climat est anxiogène.

Blanquer a proposé au rectorat, dans ses annonces vendredi soir, de recruter plus de remplaçants. Plus de contrats précaires donc à envoyer dans les établissements les plus touchés par le covid, qui se retrouvent aussi être dans les endroits les plus pauvres. Parce que l’on sait que c’est dans ces établissements que les protocoles sanitaires sont plus que jamais impossibles à appliquer, parce que les masques sont défectueux et il n’y en a jamais assez. Parce qu’il manque de tout : d’agentEs pour désinfecter correctement l’ensemble des classes, de budget, d’espaces pour permettre un mètre entre chaque élève (deux pour le variant anglais). Depuis le début de la semaine dernière, ce sont ces établissements dont les professeurs se sont mis en droit de retrait à Aulnay-sous-Bois, Drancy, La Courneuve, Montreuil, Sevran et Saint-Denis. Dans chacun de ces établissements touchés de plein fouet par la situation sanitaire, le droit de retrait a été refusé par le rectorat de l’Académie de Créteil estimant que le protocole sanitaire « couvrait les agents ». Pourtant, pour ne prendre qu’un exemple, au lycée Eugène Delacroix à Drancy, ce sont vingt parents d’élèves qui sont décédés depuis le mois de mars dernier des suites du Covid-19.

En refusant les droits de retrait le rectorat explique en réalité aux professeurEs et personnels de l’Éducation nationale qu’ils et elles peuvent bien tomber malade, leurs élèves et leurs proches aussi, rien ne sera fait de plus.

Vers la fermeture des écoles

Dans ces établissements, les profs en droit de retrait réclament une fermeture temporaire afin de faire retomber l’épidémie. En réalité, souvent, la demande est aussi relayée par les représentants de parents d’élèves tant la situation est dramatique. Le gouvernement répond alors à l’envi que le confinement n’est pas bon pour les apprentissages, et que cela creuse les inégalités. Et c’est complètement vrai. En particulier pour les établissements scolaires d’éducation prioritaire, on sait déjà ce que sera le coût d’une fermeture même temporaire. Mais des réponses avant d’en arriver là, il y en avait. Tout de suite à la sortie du premier confinement, il y aurait pu avoir embauche massive de profs, titularisation de l’ensemble des contractuelEs d’assistants d’éducation (avec un statut), d’agentEs d’entretien. On aurait pu réduire les effectifs de classe, repenser le temps de travail. Puis en octobre-novembre, il était possible d’accepter de travailler en demi-groupes comme le demandait l’ensemble des profs et non seulement en lycée. C’était aussi possible de prévoir une campagne vaccinale en priorisant aussi les professions régulièrement en contact avec le virus, donc l’Éducation nationale. Plutôt que de réprimer, de mettre des couvre-feux inutiles, de criminaliser les sorties entre amiEs, il était possible de faire autrement. Aujourd’hui, malheureusement, il faut fermer les écoles qui se trouvent dans les départements les plus touchés, réduire les programmes, faire une campagne dépistage ainsi qu’une campagne vaccinale de toute urgence.

Blanquer démission !

Vendredi, face aux annonces d’un énième durcissement du protocole sanitaire impossible à appliquer, #BlanquerDémission se trouvait dans les principales tendances sur Twitter. Sauf que sur le terrain la situation est plus complexe en termes de mobilisation. Si le SNUIPP a déposé un préavis de grève pour cette semaine afin de couvrir les possibles grèves dans les écoles, la réaction syndicale est assez faible et la possibilité de se coordonner est pour l’instant très difficile. Bien sûr, la situation objective est difficile, entre les collègues en éviction, et la difficulté de maintenir des cadres collectifs dans cette crise. Cependant, nous n’avons pas le choix, c’est seulement le rapport de forces qui nous permettra de gagner, avec la mise en place d’AG ou d’heure d’info syndicale, afin de le construire.