Le virus de la grippe A frappera sûrement à la rentrée. Bien que peu dangereux, les multiples attaques qu'a subi notre système de santé, rendront la situation plus difficile, surtout pour les populations fragilisées.
Dans les deux ou trois mois à venir, la France va connaître un premier pic épidémique de grippe A/H1N1. La bonne nouvelle, c'est que - pour l'instant - le virus est peu virulent, ce qui signifie qu'il tue très peu, par pneumonie virale ou, surtout, par surinfection bactérienne. Dans la plupart des cas, paracétamol, hydratation et masque respiratoire suffiront donc. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il est très contagieux : 30 à 50 % de la population française pourraient être touchés au cours de plusieurs pics pandémiques, contre moins de 10 % chaque année. O
n imagine la désorganisation économique et sociale, qui sera d'autant plus rudement ressentie que les populations sont fragilisées et que l'Etat social est en retrait. Le bilan sera alourdi par les faiblesses de notre système de santé et de solidarité, marqué par des décennies de politiques de fermeture de lits, de réduction de personnels, de gestion de la pénurie à travers les déserts médicaux, les dépassements d'honoraires, la mise à l'écart des patients bénéficiaires de la CMU, le retard pris dans la solidarité vis-à-vis des personnes âgées ou isolées.
Il sera encore aggravé par le mépris gouvernemental pour les personnels, quand on pense par exemple que rien n'est prévu pour fournir gratuitement en masques les aides à domicile, qui accompagnent des milliers de personnes âgées ou fragilisées. Ou que le Tamiflu sera seulement remboursé, et non gratuit, pour ceux qui en auront besoin!
S'il ne réduit que de 30% le nombre de malades chaque année, le vaccin antigrippal saisonnier diminue de 50% les complications et de 80% la mortalité. Pour un milliard d'euros, le gouvernement français a acheté 90 millions de doses du futur vaccin, ce qui correspond à deux injections pour 45 millions de personnes. Un vaccin qui arrivera sûrement trop tard pour le premier pic, mais la pandémie grippale frappe toujours deux fois. Depuis 2005 avec la grippe aviaire, on s'attend à une pandémie.
Pourtant la capacité mondiale de fabrication du vaccin, confiée tout entière au privé, est limitée à 675 millions de doses pour 6,5 milliards d'habitants, du fait de sa faible rentabilité. Les pays du Sud en seront privés. Ils payeront un lourd tribut à la grippe, car les politiques menées sous l'égide du FMI et de la Banque mondiale ont aussi détruit les systèmes de santé publique, tandis que la défense acharnée par l'Organisation mondiale du commerce du droit de propriété intellectuelle sur les médicaments rend antibiotiques et Tamiflu hors de portée pour les plus pauvres.
Née probablement dans les immenses usines de porc de l'agrobusiness américain au Mexique, la gestion de l'épidémie laissée à l'Etat et au marché capitaliste, surtout en ces temps de crise internationale, sera payée avant tout par les plus pauvres. Il appartient au mouvement ouvrier d'imposer une autre logique de solidarité internationale, d'égalité d'accès aux soins et aux vaccins, de protection des personnes avant les profits, dans la définition notamment des plans de continuité d'activité économique…
Reste une grande incertitude, pour un virus qui mute et se recombine rapidement : une recombinaison génétique qui ajouterait une forte mortalité à sa forte contagiosité. C'est le scénario catastrophe de la grippe espagnole de 1918, dont le bilan est de 40 à 100 millions de morts. De nouveaux virus circulaient dés 1916 et brutalement la mortalité a bondi à près de 2,5 % aux USA en 1918. Mais à cette époque, ni la réanimation respiratoire, ni les antibiotiques n'existaient. Plus vite ce virus s'éteindra - on en revient au vaccin - plus vite cette menace s'éloignera.
Frank Cantaloup