Publié le Mercredi 26 janvier 2022 à 12h08.

Handicap : une expression exacerbée de la lutte des classes

Savez vous combien coûte un fauteuil roulant « convenable » pour une personne handicapée moteur, ayant perdu au moins limage de ses jambes ? Cest à dire un fauteuil électrique, permettant de se déplacer « comme un valide » ? Comptez entre 3680 et 30 000 euros

À 3680 euros, c’est le modèle de base, le modèle pour les pauvres, celui pris en charge par la sécurité sociale. Encore faut-il que le ou la pauvre en question ait eu l’information, sinon, il ou elle se contentera de celui à 680 euros, à bras… Mais contrairement à ce que certaines images voudraient nous laisser croire, tous les handicapés ne sont pas des sportifs. Mais si vous avez les moyens, c’est comme avec les voitures, vous pouvez vous payer à peu près ce que vous voulez !

En France, néanmoins, le système de solidarité existe encore, et divers organismes peuvent aider : sécu, mutuelles, conseils départementaux ou régionaux, etc. Il faut alors composer un dossier… et attendre la réunion des diverses commissions qui décideront du sort de votre mobilité future !

Pour simplifier ces démarches furent créées en février 2005 les MDPH (maisons départementales des personnes handicapées) supposées coordonner les différentes demandes. Si l’intention était louable, dans les faits, les choses sont fort compliquées, dès lors que vous avez eu un accident, une maladie et que vous avez besoin d’un matériel ou d’une aide humaine (ou des deux). Le modèle social solidaire est en effet bien attaqué.

Nous ne voulons pas la charité

Face à la détresse, il existe en effet deux démarches possibles :

- Celle des « jours heureux », née de l’esprit des ordonnances de 1945 qui implique un devoir de la société envers ses membres, et surtout les plus fragiles ;

- Celle, patronale, de la charité, et c’est celle qui est de plus en plus à l’oeuvre aujourd’hui.

La charité est un des moyens essentiels pour les classes possédantes de préserver la « paix » sociale. « Je t’en donne un minimum pour survivre, et en échange de ta reconnaissance (c’est-à-dire de celle de mon pouvoir) je ne te maltraite pas trop ».

Aujourd’hui, la personne handicapée se voit confrontée clairement et quasi quotidiennement à cette logique :

- Maquis administratif pour obtenir la prise en charge du moindre besoin (l’instruction de certains dossier-MDPH peuvent durer deux, voire trois ans…), les budgets étant fort restreints…

- Contrôle tatillons des demandes et de la situations des ayants-droits : visite médicale, infirmières, assistantes sociales. Décisions administratives bien à rebours des vrais besoins.

- Opacité des procédures, règlements incompréhensibles, complexité des parcours administratifs. Par exemple si vous avez besoin d’un ouvre-boîte électrique (30 euros), vous ne pouvez pas vous en acheter un et présenter ensuite la facture (avec un certificat de votre médecin si besoin). Non, il faut d’abord constituer un dossier et peut-être, sous trois à six mois, obtiendrez-vous un accord, à condition bien sûr d’avoir présenté un devis…

- Le ou la handicapéE, pour obtenir quelque chose, se doit de se montrer gentil, patient, souriant, compréhensif. Et doit aussi avoir de bonnes connaissances en droit. On lui demande une capacité à savoir manœuvrer, à avoir recours à des soutiens (le maire, le député, la personne que l’on connaît et qui siège dans telle commission, l’amiE salariéE de tel organisme). Tout cela pour obtenir des avantages que les autres n’auront peut-être pas su obtenir.

En bas de l’échelle sociale

Nous parlons bien ici de salariéE/travailleurE/chômeurE handicapéE les possédants, les riches handicapés n’ont pas de ces soucis là, ils se payent ce qu’ils veulent. C’est au contraire la soumission des autres qui garantit leurs profits, comme à ceux de leur classe.

Et à ce titre là, salariéE/travailleurE/chômeurE handicapéE est bien en bas de l’échelle (903 euros pour l’AAH — allocation adulte handicapé — cette année ), et la misère est courante, comme l’exclusion sociale, les problèmes de santé…

Nous disons salariéE/travailleurE/chômeurE handicapéE pour montrer que les questions liées au(x) handicap(s) ne sont pas une question générale, mais aussi une question sociale, une question de classe. Imaginons que touTEs les salariéEs/travailleurEs /chômeurEs se retrouvent d’un coup en situation de handicap et donc confrontés aux difficultés ubuesques rencontrés aujourd’hui par une minorité : ce n’est pas les Gilets jaunes que nous aurions ! Ce sont les « fauteuils-cannes banches-sonotones de la colère » que nous aurions ! Une révolte dévastatrice et qui emporterait tout !

Encore cette expression salariéE/travailleurE/chômeurE handicapé(e) est-elle restrictive, nous dira-t-on, car il y a bien des handicapéEs qui n’ont jamais travaillé. Peut on alors les qualifier de chômeurEs ? Nous disons oui, car la société ne leur propose rien.

Mais au-delà, la justice sociale ne s’octroie pas en échange d’un travail, elle s’octroie sans conditions à tous les êtres fragiles : Aux enfants, aux malades, aux vieux. Et cela devrait se faire sans condition de ressources ou d’heures travaillées.

Nous demandons donc :

- Un minimum de ressources au niveau du SMIC à 1800 euros

- Un véritable service public du handicap avec embauches massives dans les MDPH, mais aussi dans tous les services ayant traits aux handicaps (ESAT, IME, foyers…)

- Un service public d’excellence et de qualité d’aide à la personne

- Le contrôle des politiques et du fonctionnement des MDPH par les handicapéEs eux-mêmes et elles-mêmes, par la création de directions paritaires et de commissions mixtes ayant pouvoir de contrôle; la transformation des MDPH en véritables lieux de vie et de rencontres (bibliothèques, spectacles, salles de réunion et de rencontre) ; l'ouverture d’antennes de MDPH dans toutes les sous-préfectures et chefs-lieux de canton

- Le soutien financier massif aux associations de handicapéEs

- La gratuité de tous les frais de santé et d’appareillage

- L’investissement massif dans les missions d’intégration à l’école, dans le nombre d’aidantEs (AVS), et la titularisation de ceux-ci et celles-ci

- La formation obligatoire et systématique à un haut niveau aux gestes et à la relation avec les personnes handicapés pour toute carrière relevant de la santé, de l’éducation, des loisirs, de la culture, des transports

- La revalorisation financière au niveau bac +3 de tous les métiers d’aide à la personne (auxiliaires de vie en particulier), avec possibilité d’accès à une formation de trois ans à ces métiers

- L’investissement public massif dans la recherche sur les maladies invalidantes (le Téléthon ne suffit pas !) mais aussi sur l’équipement, la domotique, les nouveau matériaux (il y a d’autres secteurs de recherches possibles que le militaire !)

La mise en place d’ un service public du logement avec un programme public de constructions 100 % adaptées et d’appartements thérapeutiques, alternatifs aux foyers.