Entretien. Lorsqu’elles ne sont pas purement et simplement laissées pour compte, les personnes en situation de handicap(s) sont institutionnalisées de façon systématique. C’est le moyen choisi par l’État pour « régler » le problème de leur inclusion dans la société. Depuis plusieurs mois, des camarades du NPA, premierEs concernéEs, avec aussi quelques alliéEs, ont constitué la commission antivalidiste (CAV). La rédaction a rencontré Morgane Cros, membre de la commission antivalidiste.
Peux-tu faire le point sur la scolarisation des enfants en situation de handicap ?
Dans beaucoup (trop) de cas l’exclusion des handiEs commence dès l’enfance. Plutôt que de former les personnels de l’Éducation à l’accueil des enfants handicapéEs et créer assez de postes d’accompagnantE d’élève en situation de handicap(s) bien forméEs et correctement payéEs, l’État fait le choix délibéré de laisser prospérer les refus de scolarisation d’enfants handicapéEs basés sur les préjugés et l’ignorance. L’absence de prise en charge adéquate par le manque d’AESH (en moyenne 1 pour 5 enfants mais ça va jusqu’à 1 pour 11 enfants) et les classes surchargées peuvent conduire à la déscolarisation pure et simple des enfants handicapéEs.
Par ailleurs, les placements d’enfants en centre médico-éducatif fermé avec pensionnat (c’est le cas de certains instituts médico-éducatifs) les coupent de la socialisation avec les enfants sans handicap empêchant les premierEs d’évoluer aussi normalement que possible parmi les autres enfants et les secondEs de s’habituer dès le plus jeune âge à côtoyer des handiEs et ainsi accepter leur différence. Parcoursup dégrade la santé physique et mentale des étudiantEs handiEs plus encore que celle des autres étudiantEs en réduisant encore plus leurs chances d’accéder aux études puis au métier de leur choix.
Qu’en est-il de la situation des personnes en situation de handicap face au travail ?
Pour les adultes handicapéEs, dès 18 ans, les ESAT signent l’entrée dans l’exploitation capitaliste. Ceux/celles en capacité de travailler y sont envoyéEs par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et doivent signer un « contrat de soutien et d’aide par le travail » qui les place de fait sous l’autorité du code de l’action sociale et non sous celle du code du travail. Une différence lourde de conséquences. En effet, n’étant pas soumis au code du travail, les travailleurEs en situation de handicap sont considéréEs non comme des travailleurEs aux yeux de la loi mais comme des usagerEs des ESAT (établissement ou services d’aide par le travail).
Dans les ateliers internes des ESAT, les travailleurEs handicapéEs occupent des postes variés pour le compte des ESAT eux-mêmes ou pour des entreprises qui leur sous-traitent certaines de leurs activités (blanchisserie, entretien d’espaces verts, cuisine, agriculture, électronique, conditionnement...). Dans les ESAT hors-murs, la force de travail des handiEs est sous-traitée aux entreprises et collectivités par une « convention de mise à disposition » pour une somme inférieure au SMIC.
Dans les deux cas, les situations abusives sont courantes : refus d’aménagement des postes, cadences insoutenables, absence de protections, tâches dangereuses, propos condescendants, impolis ou insultants, humiliations, infantilisation, comportements irrespectueux des moniteurs et contremaîtres ainsi que les heures supplémentaires non payées et des modalités de contrat opaques ou difficiles à saisir.
Dans la même logique, les ESAT ne versent pas un salaire mais une rémunération et payent les travailleurEs handiEs moitié moins que les valides à qualification et/ou temps de travail égaux.
Le recours aux ESAT est, au passage, un moyen pour les entreprises de contourner l’obligation légale d’emploi d’au moins 6 % de travailleurEs en situation de handicap(s) tout en ayant une main-d’œuvre quasi gratuite.
Que faire contre ces dérives ?
Une société réellement inclusive doit s’adapter aux limites et besoins de ses membres les plus vulnérables et non le contraire. Chaque personne en situation de handicap doit pouvoir être aussi autonome que possible et pouvoir vivre dignement avec son/ses handicap(s) selon ses choix et l’idée qu’il/elle s’en fait. Or, adapter et non exclure est un choix politique que ne font pas nos gouvernants : ça ne rapporte pas assez !
D’abord, il faut en finir avec l’institutionnalisation systématique qui enferme, isole et précarise au lieu d’aider les handicapéEs. La désinstitutionnalisation se décline en plusieurs volets qui doivent rendre réelles l’indépendance, l’inclusion et une qualité de vie décente pour touTEs les personnes handiEs.
Les handicapéEs sont avant tout des humainEs et sont parfaitement capables de prendre part aux décisions qui les concernent, décisions qui ne doivent pas être prises dans leur dos par les associations gestionnaires sans prise en compte de leurs besoins, leurs ressentis et leurs souhaits. Même les déficientEs intellectuelLEs doivent avoir leur mot à dire, il est nécessaire de former suffisamment de professionnelLEs qui auront pour mission de les aider à faire des choix éclairés !
Il faut un véritable service public du handicap géré par les usagerEs et les professionnelLEs ils/elles-mêmes !
L’espace public (loisirs, logements, commerces) doit être aménagé pour pouvoir accueillir sans difficulté toute personne, valide, personne à mobilité réduite ou porteuse de tout autre handicap. Les structures médicales et éducatives doivent être reconstruites et pensées pour accueillir tout le monde, avoir un maillage territorial de proximité. Leurs personnels doivent être formés pour garantir un même accès de qualité à la santé, à l’éducation, au travail, au logement pour tous et toutes.
Les aménagements de scolarité sont indispensables pour les enfants handicapéEs. Si cela peut prendre la forme de scolarité partagée entre école et centres spécialisés, le maintien en milieu scolaire ordinaire avec adaptation au handicap doit rester la priorité pour assurer aux enfants une scolarité aussi normale que possible. Parcoursup doit être supprimé pour garantir l’égalité des chances de chaque étudiantE d’accéder aux études de son choix.
Le travail ne doit plus être source de souffrances et d’inégalités, mais doit répondre aux besoins des populations et épanouir. Il doit être adapté aux limites de chacunE et partagé entre touTEs HandicapéEs ou pas, hommes ou femmes, un même salaire pour une même qualification et un accès plein et entier à la protection du code du travail pour touTEs. Maintien des revenus en cas de périodes peu travaillées ou de chômage pour touTEs.
Le recours à des structures spécialisées doit être réservé aux personnes ayant des problèmes très importants mais sans les couper des interactions avec le reste de la société. Ces espaces doivent être les plus transparents et ouverts possible dans
Peux-tu faire le point sur la scolarisation des enfants en situation de handicap ?
Dans beaucoup (trop) de cas l’exclusion des handiEs commence dès l’enfance. Plutôt que de former les personnels de l’Éducation à l’accueil des enfants handicapéEs et créer assez de postes d’accompagnantE d’élève en situation de handicap(s) bien forméEs et correctement payéEs, l’État fait le choix délibéré de laisser prospérer les refus de scolarisation d’enfants handicapéEs basés sur les préjugés et l’ignorance. L’absence de prise en charge adéquate par le manque d’AESH (en moyenne 1 pour 5 enfants mais ça va jusqu’à 1 pour 11 enfants) et les classes surchargées peuvent conduire à la déscolarisation pure et simple des enfants handicapéEs.
Par ailleurs, les placements d’enfants en centre médico-éducatif fermé avec pensionnat (c’est le cas de certains instituts médico-éducatifs) les coupent de la socialisation avec les enfants sans handicap empêchant les premierEs d’évoluer aussi normalement que possible parmi les autres enfants et les secondEs de s’habituer dès le plus jeune âge à côtoyer des handiEs et ainsi accepter leur différence. Parcoursup dégrade la santé physique et mentale des étudiantEs handiEs plus encore que celle des autres étudiantEs en réduisant encore plus leurs chances d’accéder aux études puis au métier de leur choix.
Qu’en est-il de la situation des personnes en situation de handicap face au travail ?
Pour les adultes handicapéEs, dès 18 ans, les ESAT signent l’entrée dans l’exploitation capitaliste. Ceux/celles en capacité de travailler y sont envoyéEs par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et doivent signer un « contrat de soutien et d’aide par le travail » qui les place de fait sous l’autorité du code de l’action sociale et non sous celle du code du travail. Une différence lourde de conséquences. En effet, n’étant pas soumis au code du travail, les travailleurEs en situation de handicap sont considéréEs non comme des travailleurEs aux yeux de la loi mais comme des usagerEs des ESAT (établissement ou services d’aide par le travail).
Dans les ateliers internes des ESAT, les travailleurEs handicapéEs occupent des postes variés pour le compte des ESAT eux-mêmes ou pour des entreprises qui leur sous-traitent certaines de leurs activités (blanchisserie, entretien d’espaces verts, cuisine, agriculture, électronique, conditionnement...). Dans les ESAT hors-murs, la force de travail des handiEs est sous-traitée aux entreprises et collectivités par une « convention de mise à disposition » pour une somme inférieure au SMIC.
Dans les deux cas, les situations abusives sont courantes : refus d’aménagement des postes, cadences insoutenables, absence de protections, tâches dangereuses, propos condescendants, impolis ou insultants, humiliations, infantilisation, comportements irrespectueux des moniteurs et contremaîtres ainsi que les heures supplémentaires non payées et des modalités de contrat opaques ou difficiles à saisir.
Dans la même logique, les ESAT ne versent pas un salaire mais une rémunération et payent les travailleurEs handiEs moitié moins que les valides à qualification et/ou temps de travail égaux.
Le recours aux ESAT est, au passage, un moyen pour les entreprises de contourner l’obligation légale d’emploi d’au moins 6 % de travailleurEs en situation de handicap(s) tout en ayant une main-d’œuvre quasi gratuite.
Que faire contre ces dérives ?
Une société réellement inclusive doit s’adapter aux limites et besoins de ses membres les plus vulnérables et non le contraire. Chaque personne en situation de handicap doit pouvoir être aussi autonome que possible et pouvoir vivre dignement avec son/ses handicap(s) selon ses choix et l’idée qu’il/elle s’en fait. Or, adapter et non exclure est un choix politique que ne font pas nos gouvernants : ça ne rapporte pas assez !
D’abord, il faut en finir avec l’institutionnalisation systématique qui enferme, isole et précarise au lieu d’aider les handicapéEs. La désinstitutionnalisation se décline en plusieurs volets qui doivent rendre réelles l’indépendance, l’inclusion et une qualité de vie décente pour touTEs les personnes handiEs.
Les handicapéEs sont avant tout des humainEs et sont parfaitement capables de prendre part aux décisions qui les concernent, décisions qui ne doivent pas être prises dans leur dos par les associations gestionnaires sans prise en compte de leurs besoins, leurs ressentis et leurs souhaits. Même les déficientEs intellectuelLEs doivent avoir leur mot à dire, il est nécessaire de former suffisamment de professionnelLEs qui auront pour mission de les aider à faire des choix éclairés !
Il faut un véritable service public du handicap géré par les usagerEs et les professionnelLEs ils/elles-mêmes !
L’espace public (loisirs, logements, commerces) doit être aménagé pour pouvoir accueillir sans difficulté toute personne, valide, personne à mobilité réduite ou porteuse de tout autre handicap. Les structures médicales et éducatives doivent être reconstruites et pensées pour accueillir tout le monde, avoir un maillage territorial de proximité. Leurs personnels doivent être formés pour garantir un même accès de qualité à la santé, à l’éducation, au travail, au logement pour tous et toutes.
Les aménagements de scolarité sont indispensables pour les enfants handicapéEs. Si cela peut prendre la forme de scolarité partagée entre école et centres spécialisés, le maintien en milieu scolaire ordinaire avec adaptation au handicap doit rester la priorité pour assurer aux enfants une scolarité aussi normale que possible. Parcoursup doit être supprimé pour garantir l’égalité des chances de chaque étudiantE d’accéder aux études de son choix.
Le travail ne doit plus être source de souffrances et d’inégalités, mais doit répondre aux besoins des populations et épanouir. Il doit être adapté aux limites de chacunE et partagé entre touTEs HandicapéEs ou pas, hommes ou femmes, un même salaire pour une même qualification et un accès plein et entier à la protection du code du travail pour touTEs. Maintien des revenus en cas de périodes peu travaillées ou de chômage pour touTEs.
Le recours à des structures spécialisées doit être réservé aux personnes ayant des problèmes très importants mais sans les couper des interactions avec le reste de la société. Ces espaces doivent être les plus transparents et ouverts possible dans leur fonctionnement avec des personnels formés correctement et tenus de rendre des comptes aux bénéficiaires, à leurs familles et aux autorités. La bientraitance et le respect des souhaits y doivent être les règles d’or.
Bien sûr, il faut en finir avec la marchandisation de la société et ses normes validistes archaïques, rendre possible une société débarrassée de l’exploitation et de l’oppression où chaque personne avec ou sans handicap pourra contribuer au fonctionnement de la société selon ses capacités et recevoir en retour selon ses besoins. Nous ne pourrons compter que sur nos luttes, notre solidarité et notre détermination. Il n’y a pas d’autre choix possible.
Propos recueillis par Vincent Gibelin