Publié le Mardi 19 mai 2009 à 14h08.

Hôpital  : onde de choc 

Au prix de quelques concessions de forme, Nicolas Sarkozy espérait en finir avec la contestation du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », et pouvoir faire adopter rapidement ce texte. Mais cela risque d’être plus compliqué que prévu. 

 

 

La journée du 14 mai a montré que l’opposition à la loi Bachelot n’était pas un « mouvement d’humeur » passager, mais une « onde de choc », dont les effets sont loin d’être épuisés. Des délais de préparation trop courts, l’opposition de plusieurs organisations syndicales à un appel clair à la grève et à une manifestation nationale n’ont pas permis de franchir une nouvelle étape dans la mobilisation. Mais le mouvement est enraciné; en même temps, une clarification s’opère en son sein.

La manifestation parisienne, qui a regroupé entre 10000 et 15000 personnes, montrait le maintien d’un haut niveau de mobilisation. En province, des initiatives syndicales significatives ont souvent eu lieu avec la participation de médecins hospitaliers. Partout, le pourcentage de grévistes, évidemment en baisse par rapport aux grandes journées de janvier de mars et au 28 avril, reste significatif.

L’exigence du retrait de la loi Bachelot, dans son intégralité, est massivement reprise. Parmi les médecins, si les plus proches du pouvoir s’estiment satisfaits des « concessions » de Nicolas Sarkozy, l’aile la plus progressiste du mouvement élargit sa critique à l’ensemble du projet de loi, et met désormais en cause le pilier de la contre-réforme, les agences régionales de santé (ARS).

Cette politisation s’opère au moment où arrivent les budgets des établissements, qui démontrent les mensonges de la ministre sur « l’accroissement » des personnels hospitaliers. Ainsi, à Paris, 705 suppressions de postes auront lieu à l’AP-HP. Dans tous les établissements « en déficit » (70%), les « plans de retour à l’équilibre » vont nécessiter des suppressions d’emplois, le personnel étant désormais la seule « variable d’ajustement ». Au niveau national, des milliers d’emplois hospitaliers seront de nouveau sacrifiés, alors que les conditions de travail sont insupportables et que la polyvalence se généralise.

Derrière l’opposition à la loi Bachelot, c’est un mouvement plus profond qui se développe, mettant en cause l’ensemble des contre-réformes libérales. Car l’onde de choc va au-delà de l’hôpital lui-même. Au cours des dernières semaines, la « réforme » de l’hôpital a cessé d’être perçue comme une question « technique », peu compréhensible, et ses enjeux politiques se sont clarifiés. Dans un contexte de crise sociale, l’hôpital est devenu, comme l’école, un « enjeu de société », et cela constitue déjà une défaite pour le pouvoir.

Cette onde de choc atteint également les sommets de l’Etat. Nicolas Sarkozy, François Fillon et sa ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, multiplient les déclarations pour assurer que le projet Bachelot ne sera plus modifié et qu’il doit être  adopté au plus vite. Ils essayent de mettre fin à la confusion qui règne. Mais il n’est pas sûr qu’ils y parviennent.

Après avoir accepté, jeudi 14 mai, de revenir sur certains amendements proposés par sa commission, le Sénat en a rejeté d’autres, le lendemain, et le débat s’est enlisé. Le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, demande une « deuxième lecture » par les députés si le texte est modifié de manière significative au Sénat…     Un certain nombre des soutien de la loi Bachelot, comme la Fédération hospitalière de France (représentant les directions des hôpitaux publics) et son président socialiste, Claude Evin, et les associations d’usagers qui se sont fourvoyées dans cette galère, sentent le vent tourner et prennent leur distance.

La bataille contre la loi Bachelot continue donc, avec les mêmes difficultés que les autres mobilisations en cours (université, entreprises qui licencient…) en raison de l’absence d’une riposte forte et coordonnée face à un pouvoir déterminé à imposer sa politique par tous les moyens.